Un Orfeo vivifiant !

par

© CCR Ambronay - Bertrand Pichène

L’Orfeo de Monteverdi par l’Académie baroque européenne d’Ambronay
Claudio Monteverdi, Orfeo, favola in musica
Académie Baroque européenne d’Ambronay, Leonardo Garcia Alarcon, direction, Laurent Brethome, mise en espace, Daniel Hanivel, dramaturgie, Pierre-Louis Rétat, assistant musical, Fabien Albanèse, assistant mise en espace, Fernando Guimaraes, Orfeo, Solistes de la 20ème Académie.

Leonardo Garcia Alarcon proposait dimanche soir au Palais des Beaux-Arts une lecture passionnante du premier opéra de Monterverdi : Orfeo. Considéré comme première œuvre du genre, même si Péri en 1600 avait déjà écrit Euridice, l’œuvre de Monteverdi se caractérise d’abord et surtout par l’évolution de l’écriture et l’humanisation portée à son paroxysme. Le mythe d’Orphée a toujours été populaire, en témoignent les œuvres de Gluck, Offenbach et certaines s’y rapprochant : La Flûte enchantée de Mozart ou même Wozzeck de Berg. Monteverdi a tellement influencé les compositeurs des siècles à venir que son opéra est sans doute l’un des plus populaires. Pourtant, il faudra attendre le 20e siècle pour obtenir une vraie publication. Pour cette représentation, sans mise en scène, Laurent Brethome s’est chargé de mettre en espace les chanteurs et musiciens d’orchestre. Sur les balcons, à l’arrière de la salle, dans des alcôves ou encore dans les coulisses, le spectateur se laisse surprendre par les qualités acoustiques qui en découlent. L’écho des instruments au cinquième acte apporte curiosité et concentration. Avec quelques jeux de couleurs (rouge pour l’enfer, couleurs claires pour les scènes pastorales), le spectateur arrive à s’immerger dans la trame dramaturgique tandis qu’il peut suivre le récit comme s’il le vivait. Cette action n’est alors possible que par l’intelligence de la lecture des artistes. Fernando Guimaraes officie en tant qu’Orfeo. Chanteur mature et entier, il accomplit son rôle avec une maitrise parfaite. Son jeu d’acteur est tout aussi contrôlé. Les différents mélismes et vocalises que son rôle possède sont justes et expressifs. Le texte est clair, très bonne prononciation de l’italien. Francesca Aspromonte (la musica) apporte douceur et délicatesse dès son entrée tandis que les deux interventions d’Euridice, une sur scène et l’autre au premier balcon sont touchantes. Devant le désespoir d’Orphée, la messagère (Angelica Monje Torrez) apporte son message avec effroi et panique. Son timbre de mezzo est riche et l’émotion qui en résulte convient à l’événement. Le couple Proserpine/Pluton (Claire Bournez/Yannis François) est également une belle réussite. Complémentaires et complices, le duo offre une démonstration vocale aboutie. Apollon (Riccardo Pisani) possède une étendue vocale impressionnante et une maitrise du timbre exceptionnelle. Son dialogue avec Orphée est un moment touchant où ce dernier peut enfin retrouver le bonheur. Pour les accompagner, quelques solistes aux rôles plus réduits assurent une bonne continuité avec les solistes principaux, le chœur et l’orchestre. Le chœur possède quatre très bons pupitres avec des niveaux sonores contrôlés. Alarcon est, à l’instar de René Jacobs, un chef dont la concentration est inébranlable. L’œuvre nous est présentée avec une continuité dramatique saisissante et une maîtrise tant technique que musicale. La battue est précise et en parfaite adéquation avec les chanteurs. Chef attentif, Alarcon développe un travail d’écoute entre chaque pupitre, rendant le tout harmonieux.
L’Académie baroque européenne d’Ambronay, créée en 1993, propose une formation professionnelle de qualité pour ces jeunes artistes issus des conservatoires européens. Alarcon, également directeur artistique et chef principal du Chœur de Chambre de Namur depuis 2010, parvient à associer ces jeunes talents à sa propre approche de la musique baroque. Dans cette œuvre tellement jouée et interprétée, il y apporte sa touche personnelle, sans doute plus jeune, à l’instar de Monteverdi qui réunissait à la fois le style ancien à un style nouveau. Succès mérité pour ce jeune chef et ses musiciens.
Ayrton Desimpelaere
Bruxelles, Palais des Beaux-Arts, le 6 octobre 2013

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