A Genève, le Mozart de Mitsuko Uchida   

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Pour la première fois, le Service culturel Migros invite la pianiste japonaise Mitsuko Uchida, fille de diplomates, qui a passé son adolescence à Vienne pour y faire ses études musicales. Dès le début des années quatre-vingts, elle s’impose comme une grande interprète de Mozart ; et depuis deux décennies, elle s’ingénie à diriger de son piano ses concerti, avec les résultats à demi-convaincants qu’occasionne cette pratique adoptée par un très grand nombre de solistes. Néanmoins, tel  est le cas pour les trois concerts donnés à Berne, Genève et Zurich où elle dialogue avec le Mahler Chamber Orchestra.

Dans le 23e Concerto en la majeur K.488, elle développe l’introduction en un esprit chambriste qui lui fait rechercher les contrastes d’éclairage. Le solo donne l’impression de se fondre dans le tutti, car les instruments à vent produisent un son trop grand. Il faut en arriver à la cadenza pour percevoir le jeu perlé d’une artiste qui s’écoute beaucoup lors de l’enchaînement des traits de virtuosité. Dans l’Adagio, elle cultive en profondeur le ton de la confidence susurrée à fleur de clavier, contrastant avec le Final exubérant qui produit un effet immédiat sur le public.

Sous la conduite du premier violon Mark Steinberg, le Mahler Chamber Orchestra propose ensuite quatre pages d’Henry Purcell, des Fantaisies pour consort de violes transcrites pour cordes seules qui laissent affleurer de mélancoliques inflexions au sein de l’entrelacs polyphoniques.

Reparaît ensuite Mitsuko Uchida interprétant le 24e Concerto en ut mineur K.491 où elle met en évidence les audaces harmoniques anticipant le courant du ‘Sturm und Drang’. Le piano arbore un phrasé intelligent qui, sous les volutes expressives ponctuées par la main gauche, fait apparaître un tragique lancinant qui sous-tendra le développement et sa péroraison. Le Larghetto tire des larmes par sa poésie intimiste qui s’éclaircira par l’ornementation ajoutée au da capo. L’Allegretto final renoue avec les demi-teintes pathétiques innervant les variations et les formules en arpèges conclusives, sans parvenir à dissiper les nuages menaçants. 

Sensible à l’enthousiasme des spectateurs, la pianiste offre en bis l’Andante cantabile de la Sonate en si bémol majeur K.333, d’une touchante émotion. Un beau concert !

Paul-André Demierre

Genève, Victoria Hall, le 30 janvier 2022

Crédits photographiques : Justin Pumfrey

 

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