A Genève, l’OSR accueille deux artistes d’exception : Vasily Petrenko et Kian Soltani

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Pour un programme intitulé ‘Deux grands symphonistes’ (Prokofiev et Brahms en l’occurrence), l’Orchestre de la Suisse Romande invite le chef russe Vasily Petrenko, actuel directeur musical du Royal Philharmonic Orchestra, et le violoncelliste autrichien d’origine persane Kian Soltani.

Et c’est avec la Symphonie Concertante pour violoncelle et orchestre op.125 de Sergey Prokofiev que commence ce programme. Version remaniée du Concerto pour violoncelle en mi mineur op.58 qui n’avait connu aucun succès à sa création en novembre 1938, cette œuvre tripartite fut élaborée en collaboration avec le dédicataire, Mstislav Rostropovitch, durant les étés 1950 et 1951 et créée par lui à Moscou le 18 février 1952 sous la baguette de Sviatoslav Richter, faisant ses débuts en tant que chef d’orchestre.

 Ici dès les premières mesures, Vasily Petrenko impose une rigoureuse précision au canevas orchestral permettant au soliste de se frayer un chemin par un lyrisme plaintif que les doubles cordes amplifient pour tenir tête à des vents omniprésents. Kian Soltani use de traits à l’arraché pour zébrer  un alla marcia rageur qui finira par se rasséréner en d’étranges suspensions. En faisant appel à une virtuosité ébouriffante, il prête à l’Allegro giusto médian le caractère d’un scherzando ponctué par de péremptoires tutti. A la trompette solo, il répond par de généreuses effusions  qui vont en s’intensifiant, alors que le discours orchestral suscite de virulents contrastes d’éclairage. Le Final poursuit dans la même veine, concédant néanmoins au violoncelle de donner libre cours à une poésie intimiste contrastant avec un basson goguenard dialoguant avec les chefs de pupitre des cordes. Mais par un stringendo enchaînant les passaggi effrénés, le discours s’achève sur une brillante coda qui provoque les hourras des spectateurs subjugués. Avec une souriante bonhommie, Kian Soltani y répond en sollicitant de ses collègues violoncelliste un fil ténu pour dérouler les mélismes d’une pièce folklorique perse, Dochtar Shirazi (A Girl from Shiraz).

En seconde partie, Vasily Petrenko revient au répertoire courant en présentant la Première Symphonie en ut mineur op.68 de Johannes Brahms. En de véritables arches sonores ponctuées par les timbales, il érige l’Introduction avec une grandeur qui domine ensuite l’Allegro dont il élabore les phrasés en éventail par l’intervention des bois. Le développement en exacerbe les coloris sous le contrôle minutieux d’une baguette qui cultive ensuite les mi-teintes dans un Andante sostenuto dont elle fait chanter la ligne mélodique exposée successivement par le hautbois, le violon solo et le cor. Cette sérénité se répand ensuite dans le bref Un poco allegretto grazioso que les clarinettes émoustillent d’inflexions dansantes. Le Final impressionne par la tension qui parcourt l’Adagio initial avec son pizzicato pianissimo aux relents mystérieux cédant la place à un majestueux choral proclamé par les cors et cordes. Le brassage des thèmes produit une houle déferlante portant les tutti péremptoires jusqu’au paroxysme, avant de conclure par le motif hymnique confinant à une véritable apothéose que le public applaudit avec un enthousiasme délirant, ce qui montre une fois de plus l’impact d’un chef de talent sur un orchestre parfaitement disposé à suivre ses directives.  Du grand art !

Genève , Victoria Hall,  le 5 mars 2025

Paul-André Demierre

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