A Genève, un guitariste d’exception : Pablo Sainz Villegas
Pour achever sa saison de concerts et récitals à l’affiche de la série ‘Les Grands Interprètes’, l’Agence Caecilia invite l’Orquestra de Cadaqués et son chef titulaire Jaime Martin. Fondée en 1988 par de jeunes musiciens provenant d’Espagne et d’Europe, la formation se limite à une trentaine d’instrumentistes et a pour objectifs précis de collaborer avec des compositeurs d’aujourd’hui, de promouvoir la carrière d’artistes prometteurs et d’œuvrer à la redécouverte de la musique espagnole.
Et c’est assurément dans ce but que sont proposées en premier lieu deux pages extraites de la Suite espagnole pour piano op.47 d’Isaac Albeniz orchestrées par Albert Guinovart. La première, Asturias, appelée aussi Leyenda, met d’abord à mal la cohésion des bois dans un flot sonore bruyant qui se canalise dans le cantando largamente médian puis dans le da capo. La seconde, Castilla, est beaucoup plus racée grâce à une envolée jubilatoire qui emporte l’ensemble des cordes ne comportant que six premiers et six seconds violons à l’homogénéité parfaite.
Intervient ensuite le guitariste Pablo Sainz Villegas, interprète du célèbre Concerto d’Aranjuez de Joaquin Rodrigo. Sur un canevas nuancé sachant produire un pianissimo expressif, le soliste égrène de simples accords suscitant des traits virtuoses d’une rare précision qui deviennent déchirants dans un Adagio intériorisé que chante le solo mélancolique du cor anglais. Puis une ‘cadenza ‘ truffée de passaggi périlleux s’enchaîne avec le finale aux inflexions archaïsantes, arborant la joie de vivre. Face à l’enthousiasme des spectateurs, Pablo Sainz Villegas présente une page ébouriffante, une Jota de Francisco Tarrega, utilisant les sons harmoniques, les appuis percussifs sur la caisse de résonance, nous donnant l’impression qu’il est un orchestre à lui tout seul ! Un triomphe !
En seconde partie, Jaime Martin opte pour une page du grand répertoire, la Quatrième Symphonie en si bémol majeur op.60 de Beethoven. L’introduction est abordée dans une sonorité ténue empreinte d’anxiété que soutiendront les bois avant que n’éclate un tutti véhément propulsant l’Allegro vivace avec une énergie léonine que produit un timbalier totalement déchaîné. En un andante amène, l’adagio dessine une polyphonie de cordes soyeuses qui baignent dans une atmosphère rassérénée que bariolera le vivace euphorisant du scherzo. Et le finale, extrêmement calibré par le souci constant de faire valoir les accents, n’est plus qu’insouciance. En bis, le chef et son orchestre proposent un Entracte n.3 de Rosamunde sans intérêt, s’écroulant sous l’orgie bigarrée d’une page de zarzuela (La Revoltosa de Ruperto Chapi ?) qui nous fait regretter que le programme n’ait pas été dédié intégralement à la musique espagnole que le grand public connaît encore si mal !
Paul-André Demierre
Genève, le 11 mai 2019
Crédits photographiques : Charles Roussel