A Genève, une Neuvième de Mahler inaboutie
Pour les concerts du 30 novembre et du 1er décembre, Jonathan Nott et l’Orchestre de la Suisse Romande avaient mis au programme une œuvre prisée du grand public comme le Concerto pour violon et orchestre en mi mineur de Felix Mendelssohn et un monumental ouvrage, d’abord difficile, comme la Neuvième Symphonie en ré majeur de Gustav Mahler.
Dans l’opus 64 de Mendelssohn, la soliste est une jeune artiste d’origine moldave, Alexandra Conunova, qui remporta en 2012 le Premier Prix du Concours de violon Joseph Joachim de Hanovre, avant d’arriver en finale du Concours Tchaikovsky de Moscou et de gagner le ‘Borletti-Buittoni Fellowship
’ de Londres en 2016. Après un début incertain où le dialogue entre le solo et l’orchestre recherche un équilibre, elle imprègne l’Allegro molto appassionato d’une poésie recherchant la beauté d’une sonorité qui acquiert progressivement une certaine ampleur en accentuant les basses. L’Andante se confine dans un intimisme chambriste dont le canevas orchestral sous-tend l’expression, tandis que le Final pétille avec un brio qui lui permet d’enchaîner les traits de virtuosité brillants. Plus étincelant encore, le bis emprunté à la Deuxième Sonate pour violon seul d’Eugène Ysaye et à son mouvement initial paraphrasant ironiquement le Prélude de la Partita en mi majeur de Bach.
En seconde partie, Jonatan Nott et l’Orchestre de la Suisse Romande s’attaquent à la Neuvième Symphonie en ré majeur de Gustav Mahler, créée un peu plus d’un après sa mort, le 26 juin 1912, par Bruno Walter et l’Orchestre Philharmonique de Vienne. Dans les quelque trente minutes que dure l’Andante commodo initial, le discours musical semble se chercher parmi les éléments hétéroclites qui se positionnent dans un pianissimo empreint de désespoir sur fond de harpes inquiétantes. Le propos s’étoffe progressivement en exacerbant les lignes pour parvenir à deux sections véhémentes où les cuivres péremptoires vont jusqu’à l’emphase pour annoncer une fin inéluctable. Quel contraste produit ensuite le scherzo ‘Im tempo eines gemächtlichen Ländlers’ (au tempo d’un ländler nonchalant) dont le chef souligne l’effervescence grotesque avec une pointe de sarcasme qui finira par en démanteler la matière. Par des traits acérés, le Rondo-Burleske fait écho au mouvement précédent en implantant une amère dérision qui deviendra pathétique dans l’Andante conclusif. En d’amples lignes, les cordes graves prônent la résignation suscitée par le choral des bois en pianissimo. Jusqu’à l’imperceptible, la matière finit par se disloquer, nous saisissant à la gorge jusqu’au soupir de soulagement où le spectateur reprend pied en applaudissant longuement une interprétation qui demande à être peaufinée…
Paul-André Demierre
Genève, Victoria Hall, le 30 novembre 2022
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