Aux origines de l’opéra-comique
Le Peintre amoureux de son modèle (Duni)
Double événement. D’abord, voir et entendre un opéra à La Péniche Opéra est toujours fort amusant. Vu l’exiguïté des lieux, il ne s’agit évidemment pas de Wagner ou de Verdi. L’opéra-comique est le genre idéal, et nous l’avions déjà expérimenté avec une production de L’Ivrogne corrigé de Gluck.
Dans le ventre du petit navire amarré le long du quai de la Loire, les 80 spectateurs assistent à une représentation intime, proches des solistes, quitte à les toucher. L’ « orchestre » se réduit à quelques instrumentistes, cette fois un simple quatuor à cordes (l’ensemble Rosasolis). Le spectacle est court aussi : 1h 45. L’ambiance est unique, et le public, très chaleureux, se retrouve sur le pont pour déguster un verre à l’entracte. On en sort tout heureux. Second événement : une production d’une oeuvre de Duni. Certes, Egide Duni (1709-1775), d’origine italienne (il venait de la cour de Parme), est abondamment mentionné dans toutes les histoires de la musique comme l’un des créateurs du genre de l’opéra-comique, aux côtés de Dauvergne, de Danican Philidor, de Dalayrac et de Monsigny (Grétry viendra un peu plus tard). Il est donc une figure historique importante, et il était bon de le redécouvrir. Le Peintre amoureux de son modèle, est sa première tentative sur la scène française. Créé en 1757, sur la scène de la Foire Saint-Laurent, il représente vraiment les tout premiers pas de l’opéra-comique : « Il acheva de fixer le goût des Français pour les drames lyriques de ce genre ». (Castil-Blaze). A cet égard, l’oeuvre est fondatrice. L’intrigue est mince : un peintre mûr engage un modèle qui devient amoureuse du jeune élève. Qu’à cela ne tienne, le peintre épousera sa pétulante gouvernante. Plateau nu, quatre chanteurs parcourant légèrement la partition déposée sur un lutrin chevalet, tout est organisé pour le plaisir immédiat. La musique est charmante, sans chercher midi à quatorze heures : le baroque y tend la main au classicisme qui pointe. Mini airs, duos mignons, ensembles brillants (« Tais-toi babillarde » ou « J’examine sa main » à la fin du premier acte), jolies plages lyriques (plainte du peintre, sur de légers pizzicati) et joyeux hymne final à l’Amour, bissé comme de bien entendu. Merci à Salomé Haller, Magali Léger, Jean-François Lombard et Christophe Crapez d’avoir, comme ils l’ont dit, lu la partition sur table, puis décidé de la monter. Une équipe formidable pour un résultat formidable. Qui promet un autre Duni l’an prochain, ainsi qu’une commande de musique contemporaine : un nouveau Wozzeck! La Péniche surprend toujours.
Bruno Peeters
Paris, La Péniche Opéra, le 26 mai 2013