Beethoven par Zimerman : la preuve par cinq
Ludwig van Beethoven (1770-1827) : Intégrale des concertos pour piano. Krystian Zimerman, London symphony Orchestra, Sir Simon Rattle. 2020. 168’. Livret en anglais. 3 CDs Deutsche Grammophon 483 9971
Mythe vivant du piano connu pour son ultra exigence, Krystian Zimerman nous offre, en compagnie de Simon Rattle, une nouvelle intégrale des concertos pour piano de Beethoven. L’attente a été longue pour les fans du pianiste car le dernier album du musicien, des sonates de Schubert, a été publié en 2017... Dès lors, on ne peut que se réjouir de cette nouvelle parution, une intégrale qui plus est !
En matière de Concerto pour piano de Beethoven, le pianiste polonais signe ici sa deuxième somme après celle, en partie réalisée à la fin des annes 1980, avec Leonard Bernstein et le Philharmonique de Vienne. Du fait du décès du maestro, le pianiste avait assuré la direction depuis le piano pour les Concertos n°1 et n°2. Intéressante et souvent captivante mais parfois inégale, cette intégrale reste à connaître des amoureux de ces œuvres. Du côté de l’orchestre, Zimerman poursuit sa collaboration fructueuse avec Simon Rattle après avoir exploré en sa compagnie Brahms, Bernstein et Lutoslawski. Auteur de deux intégrales des symphonies et de deux intégrales des concertos avec Alfred Brendel et Mitsuko Ushida, le chef anglais est à son affaire.
Pour ce nouvel enregistrement, il a fallu passer au-dessus des restrictions Covid car envisagée sur la scène du Barbican Center de Londres dans le cadre des Célébrations du Bicentenaire Beethoven, ces interprétations ont été réalisées sans public à St Luke’s, la salle de répétition du LSO. Diffusées en streaming vidéo, la bande audio connaît ici une superbe parution. La prise de son est excellente et rend tous les aspects du piano ainsi que la dynamique de l’orchestre tout en présentant un parfait équilibre entre le piano et l’orchestre.
Le résultat est évidemment excellent. La construction du discours musical est absolument parfaite dans les phrasés, les nuances et les contrastes. Tout est naturellement conceptualisé et pensé, et en entente absolue avec l’orchestre. On avoue être particulièrement conquis par un Concerto n°3, modèle d’élan et de fluidité. Rarement l’imbrication de l'orchestre a semblé autant évidente et coulée dans un mouvement d’entente intellectuelle aussi additionné. On adore également l’exceptionnelle construction d’un Concerto n°5, tout en écoute et lisibilité. Certes, il y a parfois quelques petites raideurs comme dans les premières notes du Concerto n°4, mais ces micros-réserves sont vaines par rapport à la conception d’ensemble et sans omettre de signaler un finale d’anthologie de ce concerto. La comparaison avec la précédente intégrale du pianiste est intéressante car on constate une similarité à l’exception des mouvements lents, ici un peu plus rapides (on sait le Bernstein dernière manière adepte d’une certaine élongation des tempi….), mais le creusement musical est ici supérieur, porté par la force et la cohérence de la vision et de l’entente soliste/chef.
Dès lors, comment ne pas considérer cette nouvelle somme comme une inévitable référence. Dans une discographie barrée par tant de lectures légendaires historiques ou revisitées, y compris parmi les propositions récentes, on ne peut que saluer la réussite artistique et technique de ce coffret.
Son : 10 Notice : 10 Répertoire : 10 Interprétation : 10
Pierre-Jean Tribot