Bel hommage rémois à Nicolas De Grigny
Nicolas De Grigny
(1672-1703)
Les Hymnes
Vincent Paulet (° 1962)
« Hymne »
Jean-Baptiste Robin (° 1976)
« Cinq versets sur Veni Creator »
Benoît Mernier (° 1964)
« Quatre versets en contrepoint à l’hymne Pange Lingua de Nicolas De Grigny »
Pierre Farago (° 1969)
« Adusque Terrae Limitem »
Thierry Escaich (° 1965)
« Evocation IV »
Vincent Dubois, Pierre Farago, Olivier Latry, Benoît Mernier et Jean-Baptiste Robin, grandes orgues Bernard Cattiaux de la basilique Saint-Remi de Reims
2016-60'19''-57’25"-Textes de présentation en français, anglais et allemand-AEOLUS AE-11101
Né à Reims en 1672, Nicolas De Grigny s’éteignit dans cette même ville 31 ans plus tard. De 1696 à sa mort, il tint les orgues de la cathédrale de Reims, où furent sacrés pas moins de 30 rois. On lui doit notamment un fameux Livre d’Orgue, publié en 1699, comprenant une messe et cinq hymnes, qu’un certain Jean-Sébastien Bach retranscrivit vraisemblablement dès 1702. En 2011, à l’occasion du huitième centenaire de la pose de la première pierre de la cathédrale susdite, les Rémois rendirent un hommage poignant à Grigny en passant commande à cinq compositeurs d’œuvres dont le ferment devait être la ligne grégorienne de chacune des cinq hymnes mises en musique trois siècles plus tôt par leur illustre aîné. Hélas, l’état peu reluisant de l’orgue de la cathédrale ne permit pas au projet d’être mené à bien dans le prestigieux édifice; de l’instrument dont joua Grigny, il ne reste plus guère que le « double » buffet (renaissance et classique), de nombreux tuyaux ayant disparu. C’est donc finalement à la basilique Saint-Remi voisine que revint le privilège de voir s’épanouir l’entreprise. Il faut dire que l’orgue Bernard Cattiaux de la basilique, inauguré en l’an 2000, convenait merveilleusement à cet effet: adoptant l’esthétique du XVIIe siècle franco-flamand, il permet d’aborder avec un égal bonheur les répertoires baroque et contemporain. Massif et majestueux, l’Hymne de Vincent Paulet inaugure le programme. S’inspirant du « Couronnement de la Vierge » représenté sur la façade principale de la cathédrale de Reims, il repose, logiquement, sur l’hymne Ave maris stella de Grigny. Plus intimiste, « Aduste Terrae limitem » de Pierre Farago – qui, pour rappel, fut finaliste en 1997 du concours international de composition Reine Elisabeth de Belgique – s’appuie sur l’hymne de la nativité A Solis ortus cardine; le compositeur y traduit la fragilité du sujet (l’incarnation de Dieu sous les traits d’un nouveau-né) en préférant au Plein-Jeu une registration minimaliste. A l’inverse de ce qui est le cas dans la pièce de Farago, le cantus de l’hymne grégorienne est aisément reconnaissable et utilisée dans son intégralité dans les Cinq versets sur Veni Creator de Jean-Baptiste Robin. Dans Evocation IV, Thierry Escaich adopte non seulement la trame mélodique, mais aussi certaines cellules rythmiques, voire le climat harmonique, de l’hymne Verbum Sepurnum dont elle constitue le « double ». Notre compatriote Benoît Mernier, enfin, opte pour l’alternatim ancien, enchâssant entre les trois versets du Pange Lingua retenus par Grigny quatre versets de son cru, lesquels viennent ainsi se substituer aux versets manquants dans l’hymne d’origine et jouer le rôle dévolu autrefois au chœur. Le cycle pour le moins singulier qui en découle, où musiques ancienne et moderne se toisent et se courtisent, donne le sentiment d’une œuvre inscrite hors du temps. Le Plain-Chant, dont seules quelques bribes reconnaissables émergent ça et là, est ici le plus souvent dissout dans le magma de la polyphonie. D’une réelle beauté, les cinq œuvres commandées en 2011 furent créées, au cours des trois années suivantes, dans la basilique Saint-Remi, où l’on entendit bien entendu également résonner les hymnes de Grigny dont elles s’inspirent. Cinq ambassadeurs, parmi les plus illustres, de la musique d’orgue du XVIIe au XIXe siècles se succédèrent à la tribune: Olivier Latry et Vincent Dubois (co-titulaires des grandes orgues de la cathédrale Notre-Dame de Paris aux côtés de Philippe Lefèbvre), Pierre Farago (titulaire des orgues du Temple d’Auteuil à Paris et de l’église Notre-Dame de Moret), Jean-Baptiste Robin (organiste à la Chapelle Royale du château de Versailles) et Benoît Mernier (organiste titulaire à l’église du Sablon à Bruxelles). Les mêmes furent ensuite conviés à enregistrer l’ensemble. On peut s’étonner de ne pas compter parmi les interprètes le titulaire de l’orgue de Saint-Remi, Benjamin-Joseph Steens, natif de Bonheiden en Belgique, qui fit notamment ses classes auprès d’Olivier Latry et de Jos van Immerseel. Reste, en définitive, un projet remarquable, rondement mené, exemplaire à tous niveaux. Signalons, au passage, la jolie réalisation graphique du coffret et la notice instructive de Pascale Rouet, émaillée de propos des compositeurs concernant leurs œuvres.
Olivier Vrins
Son 10 - Livret 9 - Répertoire 8 - Interprétation 10