Rituel à la Philharmonie de Paris : alors on danse ?
Le concert Rituel réunissait, le temps de deux soirées, les musiciens de l’Orchestre de Paris, le chef d’orchestre Esa-Pekka Salonen, la compagnie L.A. Dance Project et le chorégraphe Benjamin Millepied. Annoncé dans le programme de salle comme un “échange libre entre deux artistes” pour un hommage à Pierre Boulez, il s’est plutôt agi d’un concert de musiques du 20ème, émaillé de quelques pas de danse. Si certains points intéressants sont à relever, il convient quand même d’en questionner la finalité créatrice.
Pour cela, commençons par la fin, avec Rituel in memoriam Bruno Maderna, composé en 1974 par Pierre Boulez. Censé être l’aboutissement du cheminement musical et chorégraphique de ce concert, il s’agit d’une pièce en 3 parties d’une durée de 27 minutes, pour petit effectif orchestral. Composé à la mémoire du compositeur italien Bruno Maderna, ce Rituel présente en fait quinze sections distinctes, chacune ouverte par un coup de gong solennel et tirant un lent fil musical, aux froids silences. L’aspect charnel existe pourtant, produit par les effets de timbres, finement travaillés par le compositeur, mais également par la répartition d’une partie des musiciens dans la salle, en groupes distincts au milieu du public. Le résultat sonore, en termes de spatialisation et d’immersion dans l'œuvre, est assez impressionnant. Quand on songe à la dimension de la salle Pierre Boulez, véritable paquebot musical, et à la finesse de perception avec laquelle est reçue chaque note de la partition, on ne peut que saluer la réussite acoustique du lieu. L’alchimiste principal de cette expérience sensorielle in situ n’est autre qu’un farfadet scandinave, âgé de 66 ans mais en paraissant 30, tant son agilité et son plaisir d’être là sont manifestes.
Présent au plus haut plan sur la scène internationale depuis 45 ans, le chef finlandais Esa-Pekka Salonen est pourtant toujours prêt à s’embarquer dans de nouveaux défis, comme cette collaboration avec le chorégraphe Benjamin Millepied. Ah oui, c’est vrai, il y a de la danse, aussi. Si la scénographie est intéressante, avec un dispositif lumineux rythmant l’espace et créant une vraie ambiance, la danse, elle, est peu consistante. Il s’agit, en l’état, de six danseurs, auxquels le chef indique les départs, qui se déploient en solo, duo ou groupe. Un vrai travail est fait sur les silences et le rythme, avec une belle souplesse de l’ensemble et des effets d’ondulation de groupe séduisants. Face à la spatialisation ambitieuse de la musique, il aurait été intéressant d’étirer ce dispositif à la danse, pour voir par exemple émerger des danseurs à l’intérieur du public, au parterre et dans les différents balcons, avec un savant jeu d’éclairage.
