Claude Debussy, Edgar Poe, l’opéra et la musicologie

par
Debussy

Claude Debussy
(1862-1918)
Les opéras d’après Allan Poe. La chute de la Maison Usher et le Diable dans le beffroi (achèvement et orchestration de Robert Orledge). Roderick Usher : William Dazeley ; L’ami de Roderick et le bourgmestre : Eugene Villanueva ; Le Médecin et Jean : Virgil Hartinger ; Lady Madeline et Jeanette : Lin Lin Fan ; le Haute-Sonneur : Virgil Hartinger. Kammerchor St.Jacobi Göttingen. Göttinger Symphonie Orchester : Christoph-Mathias Mueller.
2013-88’12-Notice de présentation et texte chanté en : anglais, allemand et français-DDD-Debussy était fasciné par l’œuvre d’Edgar Poe qu’il avait découvert dans les traductions de Baudelaire. Auréolé par la réussite de Pelléas et Mélisande, le compositeur se tourna vers Poe pour trouver un sujet d’opéra. Malheureusement, aucune des deux tentatives d’après Le diable dans le beffroi et la Chute de la Maison Usher ne furent finalisées, même si Debussy avait accepté un contrat du Metropolitan Opera suite au succès de la création étasunienne de Pelléas et Mélisande. Debussy y avait même exigé que les deux opéras fussent représentés sur une même soirée. Mais ce projet qui associait la tragédie de la Chute de la Maison Usher à la comédie du Diable dans le beffroi ne resta qu’à l’état d’ébauche.
Si le premier opéra vit quelques tentatives d’achèvement dont celle du Chilien Juan Allende-Blin qui fut enregistrée par EMI sous la baguette de George Prêtre, le second restait méconnu jusqu’à cette exhumation du musicologue anglais Robert Orledge. Ce dernier, avec une sidérante assurance, se relança également dans une adaptation et une orchestration de la Chute de la Maison Usher. Il va sans dire que ces deux tentatives d’achèvement sont très problématiques et posent question !
La Chute de la Maison Usher s’ébroue dans un « style néo-pélleas », mais sans le génie de Debussy, l’orchestration fait très scolaire et appliquée et les lignes vocales sont mal ficelées. Les cinquante minutes de l’œuvre s’avèrent bien longues (alors que la version de Juan Allende-Blin ne durait que 20 minutes). Mais ce n’est rien par rapport au Diable dans le Beffroi dont on ne perçoit absolument rien de debussyste dans cet exercice de style très appliqué. Dès lors de pose la question de l’objet de ce double travail dramatiquement académique ? Offrir au public une chance de découvrir deux œuvres méconnues ou satisfaire l’égo d’un musicologue ?
Ces problématiques musicologiques sont d’autant plus dommageables que l’équipe musicale est, à l’exception d’un chanteur, particulièrement excellente. Quant à l’objet discographique en lui-même, il est très beau et fait honneur au label Pan Classic, même s’il faut ouvrir le livret de présentation pour voir mentionner le nom du musicologue. Si les collectionneurs debussystes y trouveront peut-être leur compte, le reste des amoureux de Debussy passera son chemin…Article
Pierre-Jean Tribot

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