Concours Reine Elisabeth : deuxième journée
La demi-finale se poursuit au Studio 4 de Flagey en ce lundi 19 mai. Quatre personnalités intéressantes se sont succédées sur scène avec des programmes divers et variés. Notons l'absence de Thérésa Berganza, membre du jury.
Quelle drôle d'idée de démarrer un récital avec un extrait du Stabat Mater de Pergolèse (« Quae moerebat et dolebat »). L’œuvre ne sonne pas avec piano et ne semble pas être un bon choix pour Yuan Zhang. Tempo trop lent, vibrato omniprésent, voix tendue, bref une prestation peu convaincante. A cela s'ajoutent des problèmes des justesse et un tempo qui tend à ralentir. Avec un piano trop sonore, la candidate propose une belle lecture de In der Fremde – Schöne Fremde de Schumann. Si la voix semble légèrement tendue et contrôlée, soulignons quand même l'homogénéité, souvent rare. Peu de contrastes si l'on se souvient de sa première prestation au concours. Malgré tout, elle parvient à mener la pièce avec intelligence et le résultat final est intéressant. Faiblesse passagère avec Erlkönig de Schubert. Un vibrato trop puissant, une énergie en deçà de ce que l'on attend et des phrases qui s'enchaînent sans rapport entre elles. Le tout est trop léger malgré une excellente technique. Même si elle semble plus à l'aise dans les deux pièces de Mahler (Hans und Grete – « Das irdische Leben »), le timbre est relativement lourd avec trop peu de contrastes. Dans le deuxième extrait, le ton n'est pas assez inquiétant donnant l'impression d'un survol. Ce manque de personnalité se perçoit également dans Bizet (« Près des remparts de Séville », Carmen) où se perçoivent des intentions musicales mais sans conviction. Elle se libère enfin dans la pièce de Francesco Cilea (« Acerba volluta, dolce tortura », Adriana Lecouvreur). Une prestation en demi-teinte pour une candidate qui nous avait pourtant plu au premier tour.
La Française Camille Schnoor termine cette première partie avec une belle prestation. Excellente interprétation de « Necitelna vodni moci » (Rusalka, Dvorak). En revanche, la technique, devant encore s'affiner, pose problème pour les fins de phrases. La voix ne passe plus au dessus voile du palais et le ton devient banal et presque approximatif. Choix intéressant avec O lieb, so lang du lieben kannst de Franz Liszt. Même soucis pour les fin de phrases tandis que ce chant d'amour pourrait être, par endroits, plus investi. De beaux aigus et une maîtrise évidente de la forme générale pour cette partition. Elle poursuit avec un extrait de la Petite messe solennelle de Rossini (« Crucifixus »). Malgré quelques erreurs de justesse, le timbre et le style sont intéressants. On regrette en revanche une conception très linéaire sans véritables contrastes. C'est une longue scène tirée d'Otello de Verdi (« Mi parea – Piangea cantando – Ave Maria ») qui conclut cette prestation. Manque de technique et musicalité pour ce passage redoutable. Cette jeune artiste a tout pour réussir mais n'exploitent pas suffisamment ses capacités. Thomas Hoppe l'accompagne avec beaucoup de finesse et d'énergie.
Très bonne prestation pour Chiara Skerath. Intonation excellente pour Recueillement de Debussy. Partition qui lui convient à merveille, elle propose un timbre et une énergie convaincants. Mêmes remarques pour Nebbie de Respighi. Les forte sont en revanche un peu métalliques et manquent de rondeur. L'ambiance plus détendue et rythmée du Nocturne de Barber lui convient parfaitement malgré un anglais pas toujours clair. La candidate structure l’œuvre avec intelligence comme dans Klänge der Hemeit de Johann Strauss. Dans cette partition plus légère, Chiara Skerath démontre son talent de musicienne. Belles dynamiques sans lourdeur et contrastes saisissants. Elle conclut par Ah, lo previdi de Mozart avec la même énergie qu’auparavant et des dynamiques, dans le discours musical, surprenantes. Elle ne se contraint pas, pour une fois, à cet académisme que d'autres candidats ont tendance à développer. Technique vocale aboutie et une parfaite confiance en soi qui font de cette candidate l'une des plus intéressantes du concours. Elle est accompagnée par le beau piano de Michaël Guido, à l'écoute de sa partenaire.
Légère déception avec Anna Pardo-Canedo. Elle commence avec douceur « Tornami a vagheggiar » (Alcina, Haendel). Beau timbre général mais la candidate semble timide. Petits problèmes de justesse et une technique vocale intéressante bien que tendue à certains endroits. « Me llaman la primorosa » (El Babero de Sevilla, M. Nieto & G. Giménez) lui convient davantage. L'intonation est meilleure tandis que la candidate est plus démonstrative ici. Les aigus sont un peu durs. Technique un peu faible pour « Bester Jüngling » (Der Schauspieldirektor, Mozart). Aigus durs, peu de contrastes et une forme générale peu aboutie. Mêmes remarques pour Amor de Richard Strauss. Très peu de vibrato et une voix qui nous semble trop légère pour ce type de partition. Elle semble plus convaincue dans « Einstt träumte meiner sel'gen Base – Trübe Augen » (Der Freischütz, Weber). Malheureusement, on tombe vite dans l'ennuie par un manque de contrastes. Elle termine par une lecture très personnelle de « Spiel ich die Unschuld vom Lande » (Die Fledermaus, Johann Strauss). Les dynamiques manquent d'énergie et les aigus de rondeur, le tout avec une intonation dérangeante. Avec le piano particulièrement attentif et démonstratif de Ängel Cabrera, la candidate s'est risquée dans un programme difficile où la voix manque par moment de maturité.
Ayrton Desimpelaere
Bruxelles, Flagey, le 19 mai 15h