De Falla : encéphalogramme plat
Manuel de Falla (1876-1946) : Le Tricorne ; La Vida Breve, “Interlude et Dance” ; Nuits dans les Jardins d’Espagne. Enrique Granados (1867-1916) : Goyescas, Intermezzo. Jorge Federico Osorio, piano ; Alejandra Gómez Ordaz, mezzo-soprano. The Orchestra of the Americas, Carlos Miguel Prieto. 2019-Livret en anglais-75:00. Linn. CKD 625.
Miguel Prieto et son orchestre des jeunes des Amériques poursuivent leurs explorations des classiques du XXe siècle pour Linn. Venant après un incolore album Copland / Chávez, cette nouvelle galette est une autre déception.
La musique de De Falla, colorée, bigarrée et dramatique a besoin d’un savant mélange de nerfs et de muscles, tout en préservant la beauté des textures instrumentales. Dans ces oeuvres, on peut être folkloriste comme le fauviste Ataúlfo Argenta (Decca), narratif comme le conteur Josep Pons (DGG ou Harmonia Mundi) ou analytique comme l’exigeant Pierre Boulez (Sony). Hélas, Carlos Miguel Prieto est bien terne à la tête d’un orchestre, certes valeureux et appliqué, mais qui manque de couleurs. Le ballet Le Tricorne, présenté dans sa version intégrale, est ainsi plat et monochrome. Un comble avec une musique si éclatante de timbres !
Nuits dans les Jardins d’Espagne subit également le même traitement monocorde. Le pianiste Jorge Federico Osorio est certes appliqué, mais sa lecture est avare de sensations et d’images. L’accompagnement fort timoré est au diapason de cette vision grise ! Retour aux incomparables : Del Pueyo/Martinon (Philips), Bavouzet/Mena (Chandos), Orozco/Colomer (Auvidis), Perianes/Pons (Harmonia Mundi), Soriano/Argenta (Decca), Ciccolini / Halffter (EMI), Larrocha / Ansermet (Decca)...
Les deux interludes opératiques dansés de La Vie Brève et des Goyescas de Granados relèvent un peu le niveau global, mais cela reste bien peu pour un album qui se perd dans une discographie certes pas foncièrement pléthorique mais tellement qualitative !
Son 8 – Livret 7 – Répertoire 10 – Interprétation 5
Pierre-Jean Tribot