Deux chanteuses et un chef à la rescousse du Medea de Cherubini à Genève

par

© GTG/Carole Parody

Un cadre scénique en bois clair faisant référence à l’Antiquité, deux teenagers sur planche à roulette dévalant les escaliers, un essayage de robe de mariée chez Saint-Laurent, robes de mousseline noire et complet-veston pour les courtisans, une table de cuisine avec couteau à pain servant à trucider deux innocents : ainsi peut-on résumer la production de Cristof Loy - Herbert Murauer où il ne se passe rien jusqu’au finale où l’on finit par s’agiter dans l’épouvante. Une question à ce ‘génie’ de la mise en scène qui a perpétré ici le massacre de La Donna del Lago et des Vêpres Siciliennes : avait-il oublié de commander les costumes ?

Dans le fatras de ce Regiethreater éculé, la musique trouve heureusement son compte grâce à la direction de Marko Letonja ; à la tête des Chœurs du Grand-Théâtre de Genève et de l’Orchestre de la Suisse Romande, il allie la précision à un art du phrasé magistral valorisant la richesse de coloris du tissu orchestral. Ceci est évident dans le solo de basson précédant l’air de Neris, magnifiquement campée par Sara Mingardo. Jennifer Larmore aurait dû incarner sa première Medea ; mais victime d’une trachéite, elle cède la place au dernier moment à Alexandra Deshorties qui, il y trois ans, avait chanté le rôle au Festival de Glimmerglass : exceptionnelle, sa prestation par la diction incisive, l’ampleur des moyens sur l’ensemble de la tessiture et l’émotion qui habite le tableau final. Sans réelle consistance, le Creonte de Daniel Okulitch qui n’a que des trous dans la voix et une émission instable, ainsi que la Glauce de Grazia Doronzio qui peine à donner un style à son chant. Par contre, Andrea Carè incarne Giasone avec l’aplomb héroïque et le métal cuivré qui avait imposé son Sigurd, la saison dernière. Donc, si l’on ferme les yeux, triomphe la partition de Cherubini !
Paul-André Demierre
Genève, Grand-Théâtre, 9 avril 2015

Les commentaires sont clos.