Double affiche Ravel à l'opéra de Monte-Carlo

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Double anniversaire à l'opéra de Monte-Carlo car c'est il y a cent ans, le 21 mars 1925 que l'Enfant et les Sortilèges a été créé à l'Opéra de Monte-Carlo.

Les œuvres de Maurice Ravel sont courtes et l'Opéra de Monte-Carlo combine l'Enfant et les Sortilèges avec l'Heure Espagnole. Cette double affiche célèbre les 150 ans de Maurice Ravel. 

L'Heure Espagnole est une comédie musicale (opéra) en un acte et 21 scènes, d'après une comédie de Franc-Nohain. Créée en 1911 à l'Opéra-Comique à Paris cette fantaisie avait été perçue initialement comme de la frivolité.  L’arrivée simultanée de plusieurs amants à leur rendez-vous galant oblige l’héroïne Concepcion à les cacher les uns des autres et surtout de son mari le vieil horloger Torquemada. On pense à Georges Feydeau, au cinéma muet et au Paris de Paris de Diaghilev, Coco Chanel, Colette, Picasso et Joséphine Baker. La mise en scène de Jean-Louis Grinda, directeur de l'Opéra de Monte-Carlo de 2007 à 2022, est croquée comme une bande dessinée. La scène représente la boutique de l'horloger Torquemada. Elle est décorée d'une multitude d'horloges et de montres qui prennent vie dans la célèbre ouverture qui tourne autour de leur tic-tac.

On ne peut imaginer une meilleure distribution. Gaëlle Arquez incarne l'horlogère aguicheuse. Elle a une superbe voix et sa présence scénique évoque toute la sensualité envoûtante et décomplexée du personnage. 

A ses côtés le baryton Florian Sempey, qui a déjà une carrière bien lancée, joue le rôle de Ramiro le muletier maladroit et naïf. Sempey a une magnifique voix et il est un excellent comédien. Cyrille Dubois dans le rôle de Gonzalve, Vincent Ordonneau dans le rôle de Torquemada, et Matthieu Lécroart dans le rôle de Don Inigo Gomez complètent le tableau avec brio.

Si les décors de l'Heure espagnole sont très simples, ceux de L'Enfant et les Sortilèges en seconde partie du spectacle sont somptueux. La grande tapisserie médiévale d’une scène de chasse laisse place à une sombre forêt ou, par un effet de lumière, à un grand miroir. 

Dans une maison de campagne, un enfant voit sa rêverie tourner à l’agressivité. Désobéissant et insolent, sa mère le punit. Saisi par une pulsion dévastatrice, il déchire ses cahiers, brise les objets familiers et brutalise les animaux. Épuisé, il se laisse tomber dans un fauteuil. Mais celui-ci se dérobe sous lui. C’est le début des sortilèges : objets et animaux de la maison, puis du jardin vont tour à tour s’animer et exprimer leurs doléances et leur désir de vengeance devant l’Enfant de plus en plus terrorisé.  L’enfant a peur : ému et las, il pleure et prenant conscience des conséquences de sa révolte, il souhaite retrouver un havre de paix. L’enfant s’apitoie sur le sort des animaux qu’il a brutalisés. Seul et plein de regrets, il fait preuve de bonté et tourné vers sa mère, il lance un appel de détresse finale. Une grande complicité unit le texte de Colette et la musique de Ravel.

Colette donne la parole aux bêtes et aussi au monde familier dans une sorte de rêve éveillé. La musique mélange les styles dans l’harmonie avec une grande variété de formes musicales : menuet, habanera, air d’opérette, ragtime, musette, music-hall, jazz, air de bravoure, polka…

La distribution est magnifique. Gaëlle Arquez incarne l'Enfant, Axelle Saint-Cirel la mère, Florian Sempey (L’Horloge comtoise, Le Chat), Matthieu Lécroart (Le Fauteuil, L’Arbre) et Cyrille Dubois (La Théière, Le petit Vieillard arithmétique, La Reinette) forment un trio de chanteurs comédiens cocasse.

Il faut saluer les chœurs de l’Opéra de Monte-Carlo et les chœurs d’enfants de l’Académie de musique Rainier III. Kazuki Yamada à la tête de l'Orchestre philharmonique de Monte-Carlo. fait scintiller toutes les couleurs orchestrales. Une allégresse et énergie éclatantes se transmettent du plateau à la salle et on ressort, des paillettes plein les yeux, avec la sensation d'être revenu à son âme émerveillée d'enfant le temps d'une soirée magique à Monaco.

Opéra de Monte-Carlo, Salle Garnier, 25 mars 2025

Carlo Schreiber

Crédits photographiques : Opéra de Monte-Carlo

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