Elinor Frey poursuit son investigation du répertoire pour violoncelle du fils Dall’Abaco
Dall’Abaco and the Art of Variation. Giuseppe Clemente Dall’Abaco (1710-1805) : Sonates en ré majeur ABV 39, en ut majeur ABV 20, en ré mineur ABV 21. Trios pour trois violoncelles en si bémol majeur ABV 54, en sol majeur ABV 55. Accademia de Dissonanti. Elinor Frey, Eva Lymenstull, Octavie Dostaler-Lalonde, violoncelle. Michele Pasotti, théorbe. Federica Bianchi, clavecin. Juin 2023. Livret en anglais, français, allemand. TT 80’35. Passacaille PAS 1141
Après son précédent album consacré à Dall’Abaco, Elinor Frey revient interroger le catalogue du virtuose Bruxellois, qui passait à son époque pour un des meilleurs violoncellistes d‘Europe. Un généreux programme d’une heure vingt, constitué de premiers enregistrements de ces œuvres, lui voue cette fois un hommage où l’art de la variation est à l’honneur. Parmi les quelque trente-cinq sonates aujourd’hui identifiées, et dont Elinor Frey a contribué à l’édition critique, trois ont été ici retenues pour leur dernier mouvement ouvert à l’invention sur un thème, –que les variations soient de la main du compositeur (ABV 39) ou laissées à l’imagination des interprètes (déclinaisons sur les menuets des ABV 20 et 21). Laquelle ambitionne une tentation de la prouesse, si l’on en croit la notice de disque.
Ce texte rattache aussi à l’esprit de la variation les deux Trios (manuscrits conservés à Washington) dans une parure à trois violoncelles : une nomenclature qui en ce milieu de XVIIIe siècle était par ailleurs explorée sur le sol anglais par Giacobe Basevi Cervetto (concomitamment au séjour londonien de Dall’Abaco), et en France par l’opus 1 du Valenciennois Martin Berteau, voire par la « Sonate a tré » de Jean-Baptiste Barrière dont Bruno Cocset et ses Basses réunies courtisaient en 2008 les charmes italianistes (Alpha). C’est toutefois le prolifique Ermenegildo del Cinque (1700-1773), auteur d’une petite vingtaine de pièces à trois violoncelles, qui avait marqué le répertoire pour un tel effectif (voir la récente anthologie gravée autour de Ludovico Minasi chez Arcana).
Difficile exercice d’intéresser au sein d’un canevas de semblable tessiture ? Dall’Abaco répond par des perspectives polyphoniques, des structures rythmiques et un travail sur les textures qu’Elinor Frey, Eva Lymenstull et Octavie Dostaler-Lalonde investissent avec conviction. Mais c’est bien dans les deux sonates, en vertu de partitions intrinsèquement plus lumineuses et éloquentes, que le jeune ensemble canadien fondé en 2020, se montre le plus spontanément avenant. Précision du trait, fermeté du geste, assurance quel que soit le registre, et expressivité sans entrave : la brillante soliste nous comble autant que ses partenaires attentionnés. Après leur récital consacré au rare Jean Baur, on attend l’Accademia de Dissonanti dans d’autres révélations à leur mesure.
Christophe Steyne
Son : 8 – Livret : 9 – Répertoire : 8 – Interprétation : 9