Hommage aux mal-aimés de l'Eglise

par

Trobar et Joglar
Anonymes, Bernart de Ventadorn, Jaufré Rudel, Raimbaut de Vaqueiras, Comtesse de Die, Arnaut Daniel, Guilhem Augier Novella, Pierre Hamon
Alla Francesca (Brigitte Lesne : chant, harpe-psaltérion et cymbalettes - Pierre Hamon (flûtes et cornemuse) - Vivabiancaluna Biffi : chant et vièle à archet - Carlo Rizzo : tambouris et cloches)
2014-DDD-env. 65'- Textes de présentation et textes des chants  en langues d'oc et d'oïl, en français et en angais - Agogique AGO 017

Si l'oeuvre des troubadours a en partie traversé les temps, celle des jongleurs, ménestrels médiévaux, n'eurent pas droit aux mêmes honneurs. Toutefois, pour accéder au sommet de leur art, ils devaient rivaliser de qualités virtuoses et musicales dans le choix des ornementations ou la créativité de leurs improvisations. Au "grand chant" de la lyrique courtoise s'unissaient les danses et improvisations instrumentales que Pierre Hamon reconstitue ici à partir du matériau mélodique et modal de l'univers des chansons de troubadours. Si nous en avons gardé les textes, il ne reste qu'environ dix pourcents de la musique des troubadours, notée plus tardivement; la tradition orale a fait son oeuvre colportant leur musique jusqu'à parvenir à d'autres troubadours qui réalisèrent des contrafacta, c'est-à-dire des musiques nouvelles reprenant les mêmes formes métriques que les premières et sur lesquelles peuvent s'appuyer les interprètes d'aujourd'hui, un travailmagistralement réalisé par Brigitte Lesne pour deux des pièces reprises ici. Un fil conducteur traverse les quatorze plages proposées sur ce CD: l'amour. "Amour trahi, amour transi, amour qui rend fou ou folle celui ou celle qui en est saisi, au point de lui faire dire, c'est-à-dire chanter, des paroles insensées et composer des mélodies in-ouïes, pour dire le mal d'aimer" écrit Geneviève Bruner-Lobrichon, auteur du texte de présentation à la fois érudit et passionnant. Pièces instrumentales et chants se succèdent ici, mettant en évidence cinq styles différents : des "cansos", chansons d'amour de style clair, une "sestina" ou sextine, de forme plus complexe, une "tenso" poème dialogué, ici entre deux femmes représentant deux classes sociales, deux "descorts", genre dissonant du point de vue à la fois linguistique, métrique et musical, une chanson de mal mariée à refrain de thème plus populaire où la femme se plaint de son mari. Car aux côtés de ces messieurs vivaient trobairitz et jongleresses tel Alla Francesca aujourd'hui. Un bel hommage à ces musiciens de mauvaise réputation, assimilés aux voleurs et aux prostituées pour "bafouer l'image divine que chaque homme porte en soi" en jouant de leurs corps selon les termes de l'Eglise à l'époque.
Bernadette Beyne

Son 10 - Livret 10 - Répertoire 10 - Interprétation 10

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