I Due Foscari à Monte-Carlo 

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Monaco, unique bastion en ces temps de pandémie, où l'on peut assister à une représentation "live" à l'opéra. On nous l'envie !

Un plateau réunissant une légende vivante, Placido Domingo, la jeune soprano colorature poignante Anna Pirozzi et le brillant ténor Francesco Meli. Au programme de l'Opéra de Monte-Carlo, I due Foscari : opéra rare mais puissant et dramatique de Giuseppe Verdi.  L'oeuvre date de 1844 : elle est inspirée de la tragédie The Two Foscari de Lord George Byron. Verdi est alors au plus profond de son désespoir car il a perdu ses deux enfants et son épouse.

Placido Domingo incarne le rôle de Francesco Foscari, Doge de Venise. Le ténor Francesco Meli interprète Jacopo le fils de Francesco Foscari.  Il est injustement accusé de trahison et fait appel à la clémence de son père. La soprano Anna Pirozzi est Lucrezia, la courageuse épouse de Jacopo, déterminée à le libérer à tout prix. Jacopo est condamné à l'exil et meurt sur le navire qui le transporte vers la Crête. Les membres du Sénat et du Conseil des Dix exigent du Doge qu'il abdique en raison de son grand âge et de ses deuils récents. Foscari finit par céder et se dépouille de ses ornements ducaux. Au moment où il quitte le Palais en compagnie de Lucrezia, il entend tonner le canon de Saint-Marc tonner qui annonce l'élection de son successeur. Il en meurt de chagrin.

Placido Domingo est la tête d’affiche de cette série de représentations données en version de concert.  Placido Domingo a été le ténor par excellence. Il en avait toutes les qualités : la voix, le charisme, le physique. A l'âge où la plupart des chanteurs se retirent de la scène, il se réinvente.  Il n'est plus un jeune héros romantique, tels Rodolfo, Cavadorossi ou Roméo. Avec sa force positive, il change de tessiture et passe de ténor à baryton, ce qui lui permet d'incarner des rôles de pères ou de grands-pères, ou même de vieux scéléras. Sa voix demeure puissante mais elle est moins brillante.  Le rôle du Doge lui sied comme un gant. Les duos avec son fils Jacopo et avec Lucrezia sa belle-fille sont de toute beauté. L'aria du troisième acte est un véritable tour de force. 60 ans de carrière, un parcours unique. A 79 ans, il reste prodigieux et fantastique.

Aux côtés de Placido Domingo, une distribution éblouissante. Le ténor Francesco Meli avait déjà interprété le jeune Foscari dans la production de Covent Garden en 2014 et à la Scala en 2016.  Le personnage du malheureux condamné lui permet de déployer toutes les facettes de son talent. Quant à la voix d'Anna Pirozzi, elle est impressionnante, à la fois puissante et d'une grande douceur. Elle dispose d'une technique particulièrement agile dans la vocalisation et l'art des nuances. Exquis pianissimi et expressivité redoutable. Pirozzi est parfaitement maîtresse du rôle qui lui est confié. Elle était déjà Lucrezia aux côtés de Domingo à la Scala en 2016. Enfin une authentique soprano colorature verdienne !

Auprès de ce trio, on apprécie également la superbe voix de basse d'Alexandre Vinogradov dans le petit rôle de Loredano. Comme dans tous les opéras de Verdi, le Chœur est un véritable protagoniste. Le travail du Chef de chœurs de l'Opéra de Monte-Carlo, Stefano Visconti, est admirable.

Le chef d'orchestre Massimo Zanetti ne cache pas son bonheur de diriger sur la scène du Grimaldi Forum plutôt que de se retrouver dans la fosse de l'opéra. Bon musicien, il fait cependant beaucoup de gestes inutiles. Heureusement que l'excellent Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo arrive à passer du répertoire symphonique à celui de l'opéra avec une facilité remarquable. L' alchimie entre l'orchestre et le chef fonctionne malgré un léger décalage entre l'idée musicale, le geste et la respiration. 

La version concertante convient aux Due Foscari qui est un opéra assez statique. Aucune difficulté à imaginer les costumes vénitiens. Le public est comblé par les merveilleux arias qui se succèdent. Une nouvelle grande soirée à Monte-Carlo dont le public est artistiquement des plus gâtés en ce moment ! 

Monte-Carlo, Grimaldi Forum,le  6 décembre 2020

Carlo Schreiber 

Crédits photographiques : Alain Hanel OMC

 

 

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