In dolce amore
Antonio CALDARA (1670-1736)
« In dolce amore »
3 Cantates et 7 extraits d'opéras
Robin JOHANNSEN, soprano, ACADEMIA MONTIS REGALIS, dir.: Alessandro DE MARCHI
2014-72'54-livret en anglais et allemand- textes en anglais, allemand, italien- chanté en italien-Deutsche Harmonia Mundi N°8884301692
Caldara ? Un grand, très grand compositeur auquel le disque jusqu'ici, ne s'était hélas que peu attaché. Né à Venise en 1670 donc huit ans avant Vivaldi, il meurt à Vienne, cinq ans avant lui, en 1736 en pleine gloire. Une gravure du XVIIIème siècle, saisissante, nous dépeint l'auteur de « Scipione Africano » : visage régulier, ouvert, bienveillant ; front haut -celui d'un penseur, mais aussi d'un homme volontaire ; yeux pétillants de malice ; nez fort et lèvres serrées mais fermes et sensuelles : un homme qui sait où il va, pleinement dans la vie. Un homme dont la plume ne se repose guère : au moins 78 opéras, 38 oratorios, 20 messes, 40 madrigaux, quelques 300 canons ! Peu enregistré, certes, mais le plus souvent avec talent : citons au moins « Maddalena ai piedi di Cristo » par René Jacobs, « La conversion de Clovis » par M. Gester ; quelques fort belles « Sinfonia », un émouvant « Stabat Mater », une bouleversante « Mater Dolorosa » par René Clementic et, plus récemment , de fort belles « sonates pour violoncelle », solidement architecturées. Ayant vécu à la charnière de deux siècles (1670-1736), son art se penche tout naturellement vers le proche passé : vers Corelli – et même vers Lully : la « Sinfonia » de la cantate « Credea Niso » de 1712 le prouve avec son premier mouvement en « valeurs pointées » et son second volet en brillant allegretto. Mais il a aussi vécu et travaillé à Saint Marc de Venise, puis à Rome, Madrid et Vienne, si bien que Caldara réussit une fulgurante synthèse, faite de style choral vénitien, de la mélodie et du tissus orchestral napolitain, enfin du dernier baroque viennois : voilà qui explique l'exquise variété de son langage, la sûreté de son écriture et par là même la protection de l'empereur Charles VI à Vienne qui le nomme sans tarder second Kapellmeister (Le premier étant Fux) ; voilà qui éclaire également son influence sur l’École de Mannheim ! Moins vif-argent que son confrère Vivaldi, Caldara, maître de la synthèse des styles s'apparente ainsi plutôt à Haendel, comme lui musicien infatigable et toujours inspiré. Et c'est bien tout cela que nous démontre avec éclat l'admirable enregistrement de la Deutsche Harmonia Mundi, composé de 3 cantates (de 1712, 1715, 1735) et 7 extraits d'opéras bien choisis – dans le temps également puisque couvrant les années 1715-1736, débordant de musicalité tel ce fabuleux air « In dolce amore » (1735) qui donne son titre au disque. Comme l'alouette, le soprano de Robin Johannsen s'envole sans peine jusqu'au si, toujours aussi velouté et flamboyant qu'en une tessiture plus confortable trillant avec un superbe naturel ; déclamation d’une suave intériorité, tout ici reflète une poésie intérieure, une émotion exprimée avec autant de grâce, de sincérité que de tact. L'accompagnement orchestral est aussi réussi : netteté des incises, subtilité des lignes mélodiques, attaques rigoureuses mais sans dureté, discrétion mais onctueux soutien de la basse continue : tout ce programme respire l'aisance née d'un préparation rigoureuse, une clarté rythmique prodigieusement malléable, un tissus mélodico-harmonique imprégné de poésie. Merveilleuse découverte. Très bel hommage rendu à Caldara !
Et sélection ICMA 2015 !
Bénédicte Palaux Simonnet