La Bohème à Avignon

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L’opéra d’Avignon en collaboration avec le SNG Opera de Ljubljana donne La Bohème de Puccini dans une mise en scène de Frédéric Roels.

Le décor et les costumes de Lionel Lesire situent l’opéra dans son début du XXème siècle parisien originel. Se situant ainsi dans une optique traditionnelle de la mise en scène, Frédéric Roels choisit de ne pas choquer avec un plateau et un fond de scène dépouillés rappelant les estampes japonaises. Quelques meubles esquissant la guérite des jeunes hommes, les chœurs et la projection de MOMUS le lieu du deuxième acte, une simple maisonnée celui du troisième signalent avec le très bel éclairage d’Arnaud Viala les lieux et temps de l’action. Cette rareté des éléments scéniques souligne aussi le drame de la pauvreté des protagonistes qui finira par tuer Mimi.

Le jeu d’acteur est ici naturel et sans insistance, gardant la fraîcheur des interprètes jusque dans leurs défauts. L’amitié des quatre jeunes hommes, avec tout ce qu’ils font et disent pour manger, chasser le propriétaire et s’amuser de leur sort, pour s’étourdir jusqu’à ce qu’avec la maladie de Mimi les rattache à la gravité de la vie en un mot, est particulièrement appréciable.

Si la mise en scène est réussie, la musicalité est plus difficile. Divisant en deux parties l’opéra, non pas simplement avant et après l’entre acte, mais surtout par son intensité sonore, l’orchestre national Avignon-Provence dirigé par Federico Santi, semble se calmer en seconde partie pour mieux faire apprécier les chanteurs. Jouant très fort durant les deux premiers actes, et forçant les chanteurs à pousser plus que de raison sur leurs cordes vocales, aggravant ainsi leurs défauts, tandis qu’il perd en continuité musicale, l’orchestre en première partie est presque criard. Ce problème touche à son paroxysme au deuxième acte, durant lequel beaucoup de choses sont dites et faites-en même temps, et durant lequel de surcroît les chœurs, par ailleurs fort bien menés par Florence Goyon-Pogemberg et Alan Woodbridge, ajoutent leur part à la musique, frôlant ainsi la cacophonie. 

Si les voix des chanteurs ne sont pas déplaisantes, le plateau vocal n’en est pas moins imparfait. Diego Godoy en Rodolfo montre ainsi une grande clarté, et une très bonne diction, mais aussi bien son jeu que son chant, comme un jeune Alagna, tend vers l’exagération. Et si Gabrielle Philiponet garde un jeu frais, timide et attendrissant, saillant à Mimi, sa tessiture ferme, forte et tranchante peine à incarner la jeune femme malade. Peut-être aurait-elle été une bien meilleure Musette… Charlotte Bonnet, qui sait caractériser ses moments tantôt fort durant lesquels la femme insiste sur son indépendance, et ses moments plus tendres quand elle se fait amoureuse face à Marcello ou attendrie pour Mimi, ferait une bien meilleure Mimi, en fondant ses deux aspects dans son chant.

Nonobstant, Geoffroy Salvas en Marcello garde un velouté robuste et un jeu sans fioriture, surtout dans ses duos. Et les voix de Mikhael Piccone en Schaunard  et de Dmitrii Grigorev en Colline, claires, viriles, et justes, donnent à leurs caractères une affection sympathique durant l’opéra.

Ne faisons donc pas trop la fine oreille, cependant. Une très bonne soirée dans l’ensemble.

Avignon, Opéra, 28 février 2025.

Andreas Rey

Crédits photographiques : Studio Delestrade – Avignon

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