La cinquième de Bruckner en cinq canaux !

par

Anton BRUCKNER
(1824-1896)
Symphonie n°5 en si bémol majeur, édition Nowak
London Symphony Orchestra, direction : Lance Friedel
2016-SACD-73'19"-Texte de présentation en anglais - 1 CD MSR Classics MS 1600

C'est, en effet, une version SACD multichannel de la Cinquième Symphonie en si bémol de Bruckner que nous offre ici le label américain indépendant MSR qui fêtera l'année prochaine ses vingt ans d'existence. L'enregistrement "multicanal" est, sans aucun doute, le gage d'une valeur ajoutée pour la riche orchestration brucknérienne. Le London Symphony Orchestra est placé ici sous la direction du chef, américain lui aussi, Lance Friedel. S'il est moins connu que d'autres spécialistes de Bruckner, il s'est déjà distingué par un superbe enregistrement de l'œuvre orchestrale de Carl Nielsen et, surtout, il a été l'élève de Georg Tintner, interprète d'une intégrale de référence de Bruckner chez Naxos (comprenant aussi ses symphonies de jeunesse 0 et 00). Le résultat est à la hauteur des attentes. Toute la complexité de la personnalité musicale du compositeur est rendue par les interprètes. Bruckner est-il un classique ? Ou un romantique ? C'est dans tous les cas une personnalité unique : il se rattache à Haydn par les ruptures harmoniques brutales ; il utilise l'orchestration somptueuse d'un Wagner ; il a le sens mélodique aigu de Schubert et le souci de la forme d'un Beethoven. Tous ces éléments sont évidents dans la cinquième symphonie, un des sommets dans le corpus symphonique du compositeur ; ils sont parfaitement rendus par Lance Friedel et le LSO.
Véritable cathédrale sonore, cette symphonie est une des plus longues du compositeur avec la huitième. Composée dans sa période viennoise, entre 1875 et 1878, le compositeur ne l'entendra jamais, même si elle fût créée en 1894 à Graz. Mais le compositeur déjà gravement malade ne put y assister. Il eut cependant la joie d'avoir les échos de son succès triomphal. La symphonie a la structure habituelle en quatre mouvements : une forme sonate avec trois groupes thématiques, un mouvement lent, un scherzo généralement en mode mineur et un finale à nouveau en forme sonate à trois thèmes. Comme dans la neuvième de Beethoven, Bruckner rappelle les éléments des trois mouvements précédents au début du finale de cette cinquième, mais, à l'opposé de son modèle qui les oublie ensuite, ils constituent ici une trame architecturale unique par la fusion de la forme-sonate amplifiée et de la fugue, traitée sur une échelle inconnue jusque là. Comme le dit très justement Paul-Gilbert Langevin : une telle réalisation ne pouvait naître qu'à Vienne, tant elle se place dans la lignée directe de Mozart (Finale de la Symphonie "Jupiter"), Beethoven (Grande fugue, 9e symphonie) et -par la parenté de l'invention mélodique- Schubert. Un enregistrement qui se doit de figurer dans toute discothèque brucknérienne!
Jean-Marie André

Son 10 – Livret 10 –  Répertoire 10 – Interprétation 9

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