La Gioconda d’Amilcare Ponchielli entre au répertoire

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La danse des heures © Opéra National de Paris, Andrea Messana

Rarement un ouvrage italien a suscité autant de prises de position contradictoires, depuis sa création à la Scala de Milan le 18 avril 1876. Et la célèbre Danse des heures, la musique de ballet au troisième acte, vaut mieux que le dessin animé qu’en tira Walt Disney pour Fantasia.
Pour cette entrée au répertoire de l’Opéra des Paris, Nicolas Joël fait appel à la production de Pier Luigi Pizzi conçue pour Le Liceu de Barcelone et le Teatro Real de Madrid, reprise à l’Opéra de Rome en octobre 2012. Deux ou trois ponts sur canalisations, escaliers de couleur grisâtre suffisent à créer une Venise âpre d’où se détachent les rouges et noirs des costumes, alors que la séquence de ballet fera apparaître voilages irisés et parures d’or pour les deux danseurs étoiles Letizia Giuliani et Angel Corella.
A la tête des Chœurs et Orchestre de l’Opéra National de Paris, le chef Daniel Oren insuffle une dynamique haletante à une partition mélodramatique, nourrie des influences conjointes d’ Aida et de Lohengrin. Le rôle de Gioconda est l’un des plus massacrants du répertoire italien : conçu pour un soprano dramatique dans une tessiture extrêmement large, il met à rude épreuve Violeta Urmana qui, de ses débuts en mezzo-soprano, passe maintenant aux emplois lourds du grand soprano ; curieusement, le grave sonne sourd, quand l’extrême aigu est continuellement forcé. Mais la présence scénique est incontestable ; et le même propos peut qualifier la prestation du ténor Marcelo Alvarez qui cultive continuellement le ‘forte’, alors qu’Enzo Grimaldo affiche souvent de nostalgiques inflexions. Par contre, Maria José Montiel possède le contralto sombre de la Cieca ; et son Voce di donna o d’angelo lui vaut un triomphe. Claudio Sgura a naturellement le baryton sombre de l’infâme Barnaba, quand la Laura d’Elena Borcharova et l’Alvise Badoer d’Orlin Anastassov “font du son” gras pour rendre crédibles leurs compositions grand-guignolesques.
Paul-André Demierre
Paris, Opéra-Bastille, le 20 mai 2013

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