La Turangalîla passe le Rhin
Olivier Messiaen (1908-1992) : Turangalîla-Symphonie, Tamara Stefanovich, piano ; Thomas Bloch, ondes Martenot. Nationaltheather-Orchester Mannheim, Alexander Soddy. 2019-livret en anglais et allemand-78’25’.Oehms Classics. OC 472.
Ce disque est parfaitement rafraîchissant même si, par sa démesure et sa massivité instrumentale, la Turangalîla d’Olivier Messiaen n’est pas l’oeuvre la plus légère. Le choix d’un premier album est toujours une équation difficile tant l'équilibre entre intérêt éditorial et qualité musicale n’est jamais l’aspect le plus aisé. Pour son premier disque au pupitre de son orchestre du Théâtre National de Mannheim dont il est le directeur musical depuis la saison 2016/17, le Britannique Alexander Soddy a fait le choix opportun de cette Turangalîla-Symphonie ! Ce choix est triplement intéressant car : premièrement, cette partition est une symphonie de parade pour les pupitres de l’orchestre et pour le chef ; deuxièmement, elle n’est pas foncièrement le répertoire des orchestres allemands (le Philharmonique de Berlin sous la direction de Kent Nagano pour Teldec n’apparaissait pas sous son meilleur jour) et troisièmement, elle n’est plus si fréquente au disque....
Dans ce contexte, on accueille cette galette avec bienveillance et il faut reconnaître que c’est une excellente surprise. La direction d’Alexander Soddy est précise, galvanisante, tout en sachant créer des atmosphères planantes et éthérées quand il le faut. L’orchestre relève le défi avec panache et il fait preuve, comme tous les orchestres allemands, d’un collectif solide qui impressionne dans les tuttis, mais également de chefs de pupitres des plus vaillants ! Rompue aux musiques contemporaines exigeantes, la pianiste Tamara Stefanovich est à son aise avec la redoutable partie soliste alors que Thomas Bloch fait briller les ondes martenots.
Enregistrée en concert, cette lecture est parcourue par un souffle et une énergie communicative.
Certes la discographie est superlative avec les versions Chailly (Decca), Wit (Naxos) et Chung (DGG) qui trustent les meilleures places, mais cette lecture est intéressante et attachante. C’est un bel album carte de visite pour un orchestre qui n’est pas des plus médiatiques de la scène allemande et cela change des symphonies de Beethoven, Brahms ou Mahler que l’on mange à toutes les sauces.
Son : 9 – Livret : 9 – Répertoire : 10 – Interprétation : 9
Pierre-Jean Tribot