Le Trouvère de Verdi à Munich

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Il faut un amour de l’opéra solidement ancré pour chanter malgré la chaleur de cet été dans la capitale bavaroise Le Trouvère de Verdi, dans la  reprise de la mise d’Olivier Py en 2013, à l’opéra de Bavière. Outre que les sources nombreuses calorifère, comme les néons et la croix en feu, rajoutent de la chaleur, le noir du décor et des costumes n’en enlèvent pas. 

Nonobstant, l’inconfort de cette mise en scène vient d’une insistance confinant par endroits au mauvais goût imposé aux spectateurs. 

Elle se voit d’abord avec les roues, tant dans l’installation du décor qui ne cesse jamais de changer pour être tantôt le château de film d’horreur du comte, tantôt la forêt blanche lui appartenant, tantôt le camp des gitans - cheminots autour d’une Micheline, tantôt la chambre froide comme une clinique de Manrico,  que sur le rideau de scène, afin de visualiser la mécanique de la vengeance. Elle se voit ensuite avec le duel entre deux hommes masqués et les deux gros bébés dans la chambre de Manrico. Mais surtout avec la narration de l’histoire d'Azucena par des personnages muets en arrière plan, quant l’effroi de cet opéra vient justement dans la lente compréhension de ce qui s’y joue véritablement.

Le mauvais goût arrive avec la strip-teaseuse chez Gitans, la scène durant laquelle elle écarte les jambes  entourées de docteurs dans la chambre de Manrico, et dans la simulation de viol devant elle.

Le tout donne une sensation désagréable de gothique de troisième zone, obligé de mettre devant les yeux ce qui serait bien mieux d’être suggéré. Fort heureusement, le lyricophile  peut se reposer sur la musique.

Le basse koweitien  Tareq Nazmi donne un Fernando à la voix veloutée au éclats de diamant noir, et la soprano russo-americaine Erika Baikoff une Inès au timbre, qu’on aimerait plus entendre, tant son grave feutré laisse rêveur dans la voute de l’orchestre. Et surtout la mezzo Yulia Matochkina incarne une Azucena plus machiavélique que jamais avec sa voix suave, harmonieuse et claire comme une cordon côtelé.

Le lyricophile regrettera que le ténor italien Vittorio Grigolo exagère dans son jeu et dans son chant. Bougeant sans arrêt, insistant dans son expression, se dressant sur la pointe des pieds pour les notes hautes, alors que son chant viril, droit et ferme suffit à son charme, il semble se perdre dans ses efforts.

Le lyricophile apprécie d’autant plus le naturel soigné du baryton roumain George Petean, sans doute le meilleur chanteur de la distribution, notamment dans ses airs seuls durant lesquels il sait  sans forcer offrir un legato charmeur et sûr. Le chant doucement sombre de la soprano lettone Marina Rebekka en Leonara, tirant légèrement vers le mezzo, lui plaira semblablement, surtout dans la scène précédant sa mort, durant laquelle elle transmet une émotion saisissante.

La qualités des interprètes permet aussi de retrouver la grande qualité des duos verdiens, comme ceux de Manrico avec Azucena, ou de Manrico avec Leonora, durant lesquels ils font preuve d'une harmonie et d’une sensibilité intenses.

Il note aussi la qualité des chœur toujours compréhensible, charmeurs, même quand un mécano grappe la locomotive, et souple dans leur expression.

Mais ce qui le séduit le plus est sans doute la baguette emportée et vivante du chef italien Francesco Ivan Ciampa,  qui en suivant la découpe en scènes de l’opéra, garde durant l’exécution une vivacité et des couleurs chaudes à son orchestre.

Une très bonne soirée, surtout musicalement

Munich, Staatsoper, 28 juin 2024

Crédits photographiques : Staatsoper Munich

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