Les 20 ans des Siècles avec François-Xavier Roth à Tourcoing
Ce jeudi 4 janvier a lieu le premier concert de l’année pour les Siècles et François-Xavier Roth au Théâtre Municipal Raymond Devos à Tourcoing. Ce concert célèbre les 20 ans de la création de cet orchestre connu et reconnu internationalement. Quel autre lieu pour ce premier concert que Tourcoing puisque, pour rappel, les Siècles sont en résidence à l’Atelier Lyrique de Tourcoing.
Au programme de cet événement, une balade dans le romantisme tardif français : Prélude à l’après-midi d’un faune de Claude Debussy, Namouna suite N°1 d’Edouard Lalo, Bacchus et Ariane suite N°2 d’Albert Roussel, Scènes alsaciennes de Jules Massenet, l’Apprenti sorcier de Paul Dukas et La Valse de Maurice Ravel.
La première partie commence avec une des pages les plus connues de Claude Debussy : Prélude à l’après-midi d’un faune. Le célébrissime solo de flûte interprété par la flûtiste Marion Ralincourt est d’une lumineuse délicatesse. La suite l’est tout autant, l’harmonie est d’une justesse enchanteresse, tout comme les cordes sont unies dans l'interprétation de cette oeuvre. Les Siècles nous font vivre un moment suspendu dans le temps tel un rêve éveillé alliant douceur et tranquillité.
La Suite N°1 tirée du ballet Namouna est la deuxième pièce de cette soirée. Composé par un Edouard Lalo ayant des problèmes de santé, il est aidé par Gounod et le ballet est créé en 1882 à l’Opéra de Paris. Cette Suite est composée de cinq mouvements. Le premier mouvement, Prélude, d’une certaine sobriété, voit un solo intense interprété par les violoncellistes. Un crescendo bien construit amène un tutti magistral avant qu’une mélodie ne soit exposée par les cuivres avec une certaine brillance. Le deuxième mouvement, Sérénade, est un allegro enjoué et d’une certaine manière espiègle. Il y a du mouvement mais l’ensemble reste très clair et défini. Notons le beau jeu d’accents donnant du relief à cette partie de la suite. Le troisième mouvement, Thème varié, débute avec gravité avant de s’illuminer doucement pour laisser place à une mélodie chantante aux cordes, tantôt rejointe par la flûte. Un grand tutti majestueux fait son apparition un peu plus tard et clôture ce Thème varié. Le quatrième mouvement, Parade de foire, débute de manière surprenante avec l’harmonie. Celle-ci se fait remarquer par la précision de ses interventions. Un nouveau solo de flûte est accompagné par des pizzicati dirigé avec brio par François-Xavier Roth. Le dernier mouvement, Fête foraine, est un presto où contrastes, énergie et engagement sont au rendez-vous. La conclusion est triomphale.
Cette première partie se clôture avec la Suite N°2 Bacchus et Ariane d’Albert Roussel. La suite N°2 est composée de 7 mouvements qui s'enchaînant presque sans coupures. Tout au long de cette œuvre, plusieurs solos mettent des musiciens de l’orchestre en valeur comme l’altiste soliste Carole Roth, le premier violon soliste François-Marie Drieux, la flûtiste Marion Ralincourt ou encore la hautboïste Hélène Mourot. Il y a une alternance entre des passages calmes, faisant preuve d’une certaine tranquillité et des passages animés, avec une énergie considérable qui se dégage de l’orchestre. L’échelle de nuances déployée par l’orchestre est impressionnante et François-Xavier Roth n’y est pas pour rien. Il maîtrise tout à la perfection et chacun de ses gestes impacte l’orchestre, très réactif, qui prête une grande attention à son chef. Les grands tutti sont à la fois lyriques et percutants. Les percussions jouent un rôle important, tout comme les cuivres colorant par leurs interventions l'interprétation de cette pièce. De vifs applaudissements saluent la très belle première partie de ce concert anniversaire.
La deuxième partie débute avec les Scènes alsaciennes de Jules Massenet. Composée en 1882, cette œuvre est constituée de quatre mouvements. Dans le premier mouvement, Dimanche matin, les clarinettes rentrent seules avant d’être rejointes par de plus en plus de musiciens. Un passage d’une remarquable douceur précède de glorieux tutti. Le deuxième mouvement, Au cabaret, commence avec un solo de timbales énergique, interprété par le timbalier Camille Basle. Un chouette jeu s’installe entre l’orchestre et le timbalier. Au tour du pupitre des cors d’être mis en avant avec plusieurs sonneries avant la fin animée de cette partie de l’œuvre. Le troisième mouvement, Sous les tilleuls, met particulièrement en lumière deux instrumentistes qui se distinguent dans l'entièreté de ce mouvement. Il s’agit du violoncelle soliste Robin Michael et du clarinettiste Christian Laborie. Le dernier mouvement, Dimanche soir, d’une retentissante énergie, voit apparaitre une banda jouant depuis le balcon. Celle-ci est composée d’un tambour et de plusieurs trompettes. De beaux contrastes et un bel engagement de la part des artistes font de cette pièce une grande réussite.
L’Apprenti sorcier de Paul Dukas ne nécessite pas de présentation. Le début de l’œuvre, mystérieux, voit le thème principal de la pièce énoncé par différents instruments de la famille des bois. Ce motif voyage avec fluidité et musicalité entre les différents pupitres. Le thème revient tour à tour aux bassons, cors et trompettes. Ces dernières sont accompagnées par des pizzicati des cordes. De plus, le glockenspiel apporte une certaine brillance lorsqu’il se fait entendre. La fin de l’œuvre, ressemblant fortement au début de celle-ci, voit différents solos exécutés avec brio par les cordes et la clarinette. Un dernier éclat conclut cette œuvre espiègle.
Place à la dernière œuvre de la soirée, La Valse de Maurice Ravel. Cette pièce prolonge un peu l’ambiance des fêtes de fin d’année pour notre plus grand bonheur. Cette valse à l’allure viennoise fait preuve d’une certaine décadence due à la Première Guerre mondiale qui est passée par là entre le début du projet (1906) et sa création (1920). L’exécution en est de grande qualité et se démarque des autres versions que l’on connaît. En effet, les Siècles jouent ce concert sur des instruments français de la fin du XIXe siècle. Les cordes sont en boyau, ce qui à un impact sur le son qui sort de ces instruments à cordes. Avec, pour conséquence positive, de faire ressortir tous les portamenti demandés par la partition. Les harpes ressortent particulièrement bien. Deux beaux duos entre les altistes Carole Roth et Hélène Barre ainsi qu’entre le violon soliste François-Marie Drieux et le chef d’attaque des deuxièmes violons, Martial Gauthier.
Ce concert effervescent est applaudi avec enthousiasme par un public ravi de la soirée qu’il vient de passer. La cohésion entre les musiciens des Siècles est tout simplement excellente. Les contrastes, le caractère, la justesse sont au rendez-vous sous la direction de son extraordinaire chef François-Xavier Roth. Ce dernier dirige le concert avec à la fois sensibilité et précision. Tout est pensé dans les moindres détails afin de rehausser les différentes interprétations des œuvres au programme de cette soirée anniversaire.
François-Xavier Roth prend la parole pour remercier la salle comble venue assister à ce concert. Il se dit très heureux d’avoir pu faire du Roussel lors de cette soirée et propose en bis une pièce de Georges Bizet. Il s’agit de l’Adagietto pour cordes issu de l’Arlésienne. Cette douce page aurait d’ailleurs inspiré Mahler pour la composition de l’Adagietto de sa Cinquième Symphonie. L'interprétation de cette dernière pièce est touchante et se termine dans un diminuendo al niente impressionnant.
Tourcoing, Théâtre Municipal Raymond Devos, le 5 janvier 2023
Thimothée Grandjean, Reporter de l’Imep
Crédits photographiques : © Cyprien Tollet