Les Maxwell poursuivent leur exploration des quatuors de Haydn avec l’opus 77

par

Joseph Haydn (1732-1809) : Quatuors à cordes op. 77 n° 1 et 2. Trois pages de musique folklorique écossaise. Maxwell Quartet. 2024. Notice en anglais. 60’ 46’’. Linn CKD 741.

Le quatuor Maxwell, qui a été lauréat du Concours de musique de chambre de Trondheim en Norvège en 2017, est constitué par des amis qui se connaissent depuis leur jeunesse. Colin Scobie et George Smith, violons, Elliott Perks, alto, et Duncan Strachan, violoncelle, ont étudié ensemble au Conservatoire d’Écosse et ont joué dans les mêmes orchestres de leur pays natal. Réunis officiellement en 2010, les partenaires ont été en résidence en plusieurs lieux, dont l’Université d’Oxford, et se sont perfectionnés auprès du Quatuor Endellion, ainsi que, de manière privée, avec Hatto Beyerle (1933-2023), membre fondateur du Quatuor Alban Berg. Le présent album est dédié à la mémoire de cet altiste germano-autrichien. Après l’opus 71 en 2019 et l’opus 74 en 2021, déjà chez Linn, les Maxwell proposent cette fois l’opus 77 de Haydn. Avec une particularité qui se retrouve dans chaque enregistrement : l’ajout de pages tirées de l’héritage du folklore écossais (danses et chansons), les instrumentistes étant persuadés qu’il faut comprendre le bagage populaire pour mieux appréhender la musique de Haydn. Il est vrai que dans les dernières années du XVIIIe siècle, le compositeur a accédé à la demande d’un éditeur écossais pour arranger, contre rémunération, des airs britanniques. 

En cette même période, Haydn a entrepris la composition de six nouveaux quatuors à destination du Prince Lobkowitz, mais deux seulement ont vu le jour et ont été publiés à Vienne en 1802. L’opus 103 fut entamé pour leur être adjoint, mais demeura inachevé. Les deux quatuors de l’opus 77 témoignent, comme les précédents, de la capacité toujours jaillissante de la créativité de Haydn, en particulier dans chacun des menuets vif-argent, aux rythmes enlevés et fougueux (celui du premier est irrésistible et se doit d’être traité avec une vitalité sans concession). Les Maxwell s’y lancent avec ardeur, assurant la pulsation et le côté lumineux qui s’en dégage. Dans le premier quatuor, ils font usage d’un lyrisme généreux dans le caractère dansé de l’Allegro moderato, d’une belle alternance de couleurs dans l’Adagio, et, après le Menuet énergique déjà évoqué, ils soulignent efficacement dans le Presto final la saveur d’un thème aux effluves d’Europe centrale. 

Le second quatuor commence par un Allegro moderato grandiosement lyrique, dans une texture enrichie par Haydn avec un art consommé. Le Menuet, qui a tout d’un scherzo, est ici en deuxième place, avec des contrastes de méditation pastorale. L’Andante, sous ses airs de fausse simplicité (le début presque candide, entre le violon et le violoncelle), a des aspects de marche lente et dévoile une sensibilité aux accents paisibles. C’est l’un des mouvements les plus élégants écrits par Haydn ; les Maxwell ne lui rendent pas tout à fait justice, alors qu’ils accordent au Vivace assai le débordement de vitalité qu’il appelle.

Trois pages de musique folklorique écossaise, arrangées par les Maxwell, sont présentes. La première ouvre le programme. Cette brève Captain Campbell’s March, un traditionnel datant du XVIIIe finissant ou du XIXe siècle, n’est pas loin de l’esprit de l’Andante moderato de l’opus 77 n° 1 qu’il précède. Après ce premier quatuor, c’est un arrangement de trois pièces du XVIIIe qui viennent s’intercaler, dues aux violonistes Niel Gow (1727-1807), Nathanael Gow (1763-1831), quatrième fils du précédent, et William Marshall (1748-1833). La teinte populaire, si elle est sympathique et agréable à l’écoute, ne nous convainc qu’à moitié de leur utilité entre les quatuors du grand Haydn. En fin de programme, on découvre Hector the Hero de James Scott Skinner (1843-1927), l’un des plus appréciés compositeurs de danses de son temps. Cette évocation d’un ami de Skinner, le général Hector MacDonald (1853-1903), qui se distingua pendant la seconde guerre contre les Boers mais se suicida après des accusations d’homosexualité portées contre lui, clôture l’album sur une note grave et sombre. La notice, signée par les Maxwell, en renvoie la simplicité à la profondeur de l’Andante de l’opus 77 n° 2. Malgré son aspect d’émouvant hommage à un disparu, c’est peut-être lui accorder trop d’honneur.

Le travail effectué par ce jeune ensemble retient l’attention par sa capacité d’’éloquence et d’’articulation sensible. On saluera l’originalité persistante de mettre en regard les grandes pages de musique de chambre de Haydn avec des pièces folkloriques britanniques. Le Quatuor Maxwell est cependant confronté à une discographie riche et abondante, d’où émergent les Berg, les Amadeus ou les Mosaïques (sur instruments anciens) pour ne citer qu’eux, ainsi que les plus récents Prazak (Praga, 2021) ou Takács (Hyperion, 2022), que nous affectionnons. Sans contester ses qualités, on classera la présente version derrière ces références. 

Son : 8,5    Notice : 9    Répertoire : 10    Interprétation : 8

Jean Lacroix

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