La Musikfest parisienne : le plaisir de partager la musique entre amis

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Initié par la violoniste Liya Petrova pendant le confinement, ce qui n'était au départ que de simples réunions entre amis musiciens, destinées à compenser le manque d’occasions de jouer ensemble, est devenu un rendez-vous annuel parisien incontournable de musique de chambre. Cette année marque la dernière édition à la Salle Cortot, avant d’ouvrir un « nouvel horizon » dès la saison prochaine.

Durant les restrictions de sortie liées au confinement en 2020, Liya Petrova a organisé quelques concerts retransmis en streaming en réunissant des amis musiciens. Cette première édition consacrée à Beethoven se tenait à la Salle Cortot, « sans public », comme cela se faisait souvent pendant cette période. Dès le début, le pianiste Alexandre Kantorow et le violoncelliste Aurélien Pascal formaient avec elle un noyau ; ils ont d’ailleurs créé un festival d’été à Nîmes par la suite. Depuis, quatre autres éditions se sont succédé, sous les thèmes de Brahms, Belle Époque, Pour la fin du temps et La Virtuosité. Cette année, pour la dernière fois à la Salle Cortot, c’est l’heure de faire un bilan : au lieu de fixer un thème, la directrice artistique a choisi de rejouer des pièces qui avaient été programmées dans les cinq premières éditions, à la manière d’une petite rétrospective.

Le beau crescendo du Guillaume Tell de Rossini à l’Opéra de Wallonie-Liège  

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Il est des œuvres que nous connaissons tous : ainsi notamment le Messie de Haendel, le Ainsi parlait Zarathoustra de Strauss ou encore le Guillaume Tell de Rossini. En fait, ce que nous connaissons, c’est juste un moment de ces œuvres : l’Hallelujah du Messie, l’introduction du Strauss, l'Ouverture du Guillaume Tell. Et cela parce que ces séquences-là, la publicité ou le cinéma s’en sont emparés, nous les ont en fait imposées. Mais les œuvres en elles-mêmes, dans leur version intégrale, nous les ignorons.

Et voilà que l’Opéra de Wallonie nous invite à en découvrir davantage à propos de la version lyrique de l’héroïsme helvétique : le Guillaume Tell de Rossini ! 

Une œuvre qui n’est pas en tête des palmarès des productions lyriques. A juste titre, pourrait-on dire, si l’on considère sa longueur, le développement de ses intrigues et la concrétisation de ses différents épisodes chantés, dansés ou confiés au chœur. C’est long, très long, souvent très discursif et illustratif. 

C’est pourquoi l’œuvre est toujours amputée - elle a même été charcutée – de l’un et l’autre de ses moments, de ses airs. 

Mais à Liège, rejoignant en cela le point de vue d’Alberto Zedda, un maître es-Rossini, Jean-Louis Grinda n’a presque pas touché à ses actes I et II. Ce qui, à mon avis, pose problème : nous restons essentiellement les auditeurs-spectateurs d’un récit qui ne nous implique pas vraiment. On découvre, on comprend. Mais il n’y a pas cette identification-répulsion essentielle au bonheur lyrique, qui nous happe dans les grandes œuvres du répertoire, avec notre participation empathique aux douleurs de la Traviata, au dilemme de Tosca, aux souffrances de Mimi, aux noirceurs de Scarpia ou de Iago.

Heureusement, les grands moments des actes III (avec la fameuse scène de l’arbalète et de la pomme) et IV nous accrochent, nous captivent, dans une émotion qui va crescendo. Une deuxième partie de représentation qui justifie l’accueil plus que chaleureux du public pour cette production.

Rencontre avec le chef d'orchestre Ádám Fischer 

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Le chef d’orchestre hongrois Ádám Fischer est l’un des artistes majeurs de notre époque, l’un de ceux qui change notre regard sur les œuvres qu’il dirige. Le jury des International Classical Music Awards apprécie particulièrement son travail. Cette année, il est le récipiendaire d’un prix spécial qui lui sera remis lors du gala à la Tonhalle de Düsseldorf. Máté Ur, collaborateur du média hongrois  Papageno (Hongrie), membre des ICMA, s'est également entretenu avec lui sur Haydn, l'essence même de l'interprétation fidèle à l'époque, les remakes et l'éternelle agitation.

Dans plusieurs interviews, vous avez déclaré que vous n'étiez pas trop préoccupé par les prix, mais que vous regardiez plutôt vers l'avenir. Qu'est-ce qui vous motive ?

Je suis bien sûr heureux d'être reconnu pour mon travail, mais il m'est très étranger de me reposer l'esprit ou de me poser. Je me surprends souvent à écouter mes anciens enregistrements et à m'énerver contre moi-même parce que j'aurais dû faire certaines choses différemment, mais une fois que je les ai laissées de côté, je ne peux plus les changer. Dans les années 80 et 90, j'ai enregistré toutes les symphonies de Haydn, et quand je les écoute, j'ai le même sentiment.

Vous avez réenregistré les dernières symphonies de Haydn pour Naxos avec votre Danish Chamber Orchestra. Êtes-vous satisfait du résultat ?

Je ne crois pas qu'il faille définir ce qui est bien et ce qui est mal. Pour moi, l'important est que nous ayons pu capturer une interprétation très intéressante et personnelle avec le Danish Chamber Orchestra. En fait, j'ai eu la chance de pouvoir faire ma propre reprise, ce qui m'a permis de faire beaucoup de choses différemment, mais je suis convaincu que dans cinq ans, je n'aimerai pas non plus cet enregistrement. Ce que vous entendez maintenant est la vérité de la phase actuelle de ma vie.

Jean-François Heisser et l’alchimie du son de Ravel

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Maurice Ravel (1875-1937) : Concerto pour piano et orchestre en sol ; Ma Mère l’Oye, cinq pièces enfantines, version orchestrale ; Le Tombeau de Couperin, suite d’orchestre ; Pavane pour une infante défunte, transcription pour orchestre. Orchestre de chambre Nouvelle-Aquitaine ; Jean-François Heisser, piano et direction. 2020/21. Notice en français et en anglais. 59’. Mirare MIR 582.

Un regard renouvelé et inspiré sur les quatuors à cordes de Schubert par l’Alinde Quartett. 

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Franz Schubert (1797 - 1828) : Quatuor à cordes n° 13 en la mineur D 804 (opus 29 n°1) – Bartolomeo Dandolo Marchesi (né en 1994) : Ach, Alinde ! (2023, hommage à Schubert) pour quatuor à cordes - Franz Schubert : Quatuor à cordes n° 8 en si bémol majeur D 112 (opus posth. 168). Alinde Quartett.  2022 et 2023. Livret en allemand et en anglais.  71’24’’ Hänssler classic HC24020.

Donizetti en mélodies

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Gaetano Donizetti (1797-1848) Songs,  Volume 1. Lawrence Brownlee, Ténor ; Carlo Rizzi, Piano. 2024. Livret en anglais- texte chanté en italien.  70’52’’. Opera Rara.  ORR254   

Gaetano Donizetti (1797-1848) Songs,  Volume 2. Nicola Alaimo, Baryton  ; Carlo Rizzi, Piano. 2024. Livret en anglais- texte chanté en italien.  80’50' . Opera Rara.  ORR255   

A Genève,  un Kissin éblouissant   par Paul-André Demierre

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Depuis de nombreuses années, Yevgeny Kissin est l’invité régulier de l’Agence de concerts Caecilia pour sa série ‘Les Grands Interprètes’. Au fil de chaque récital, l’on perçoit une maturité dans son jeu qui cherche l’équilibre des plans sonores en laissant de côté le brillant factice d’une virtuosité tapageuse. 

La Deuxième Partita en ut mineur BWV 826 de Bach en donne la preuve éclatante par son entrée en matière qui se veut péremptoire, tout en nimbant d’un son clair l’allegro et le fugato de la Sinfonia initiale soutenus par une main gauche d’une rare précision. Dans une logique parfaitement naturelle, il enchaîne l’Allemande avec son canon agençant deux voix qui s’écoutent attentivement avant de les laisser s’affirmer brillamment dans la Courante. La Sarabande se confine dans une introspection rassérénée qui distille les audaces harmoniques pimentant ensuite le Rondeau qui déroule ses formules en cascades. Et c’est avec la sobre rigueur d’un Capriccio à trois voix que s’achève cette Partita qui, d’emblée, a mis en lumière la pondération d’un jeu qui évite de durcir le son.

Le programme se poursuit avec deux des Nocturnes de Chopin, l’opus 27 n°1en ut dièse mineur déroulant une basse ondoyante sur tessiture large soutenant le chant éperdu de deux voix nostalgiques qui survivront à un Più mosso fébrile, alors que l’opus 32 n.2 en la bémol majeur renoue avec une fluidité mélodique qui saura se maintenir dans le Più agitato médian avec ses accords en triolets. Le Quatrième Scherzo en mi majeur op.54 cultive la même veine en insérant les traits arachnéens dans une ligne de chant qui se gorge d’atavique mélancolie dans le Più mosso médian avant de reprendre la partie initiale et de conclure par une stretta échevelée. 

En seconde partie, chaussant ses lunettes pour affronter une partition redoutable, Yevgeny Kissin s’attaque à un ouvrage peu connu de Dmitri Chostakovitch, la Deuxième Sonate en si mineur op.61 datant de 1943. Sur une basse aux rythmes pointés qui lui sert de support mélodique, la main droite livre un trait en vrille qui amène un cantabile à la pointe sèche se déroulant dans l’aigu de la tessiture. Une marche aux tutti carillonnants se résorbe en une polyphonie où les mains se croisent pour jouer avec les modes majeur ou mineur. Le Largo fait dialoguer deux voix dans une poésie intime ponctuée par d’étranges accords en sourdine étirant la péroraison vers d’irréelles sphères. Le Final égrène un thème monodique à la main droite donnant naissance à une ample passacaille dont les lignes se resserrent pour ériger de massifs tutti que la coda diluera en un choral pianissimo s’éteignant dans les méandres d’une basse mystérieuse. 

CPE Bach, les symphonies hambourgeoises par Arte dei Suonatori : un théâtre bien appris

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Instrumental theatre of affects. Carl Philipp Emanuel Bach (1714-1788) : Symphonies en sol majeur, si bémol majeur, ut majeur, la majeur, si mineur, mi majeur Wq 182/1-6. Fantaisies pour clavier en ut mineur Wq 63/6:III, en fa majeur WQ 59/5, en sol mineur WQ 117/13. Arte dei Suonatori, Marcin Świątkiewicz, clavecin, pianoforte. 2022. Livret en allemand, anglais, français. 84’27’’. SACD BIS-2459