ROKOKO - Quel disque !

par

JOKERROKOKO
Johann Adolf HASSE (1699-1783)
Airs d'Opéra
Max Emanuel CENCIC (contre-ténor) ARMONIA ATENEA, dir.: George PETROU
2014-64'25-DDD-présentation en anglais, français, allemand-textes en anglais, français, allemand, italien, chanté en italien-Decca 478 6418
Bizarre la pochette ! Crooner en jaune bouton d'or, sautoirs et « banane » Elvis Presley. Mais quel disque ! 64 minutes et demi d'oeuvres de Johann Adolf Hasse. Musicien du XVIIIe siècle, très prisé de son vivant et quasiment oublié de nos jours. Né près de Hambourg en 1699, mort à Venise en 1783, ce fils d'organiste aura circulé dans toute l'Europe, travaillant avec Porpora, Scarlatti père, donnant toujours quelque nouvel opéra ( il en composa près de soixante, la plupart sur des livrets de Métastase, se présentant toujours avec sa femme, la célèbre Faustina Bordoni... un homme heureux donc, reconnu par ses pairs (J.S. Bach, le jeune Mozart – ce qui n'est pas la moindre des références!)... Or voici ce « grand maître du XVIIIe » choyé des têtes couronnées d'Europe, chanté par Farinelli au chevet du mélancolique Philippe V d'Espagne, qui bascule dès sa mort dans l'oubli. Oubli totalement injuste à entendre ce que chante ici le jeune contre-ténor, en osmose avec le très éloquent ensemble Armonia Atenea dirigé par George Petrou. De multiples facettes du génie de Hasse resplendissent ici grâce à une interprétation aussi musicale qu'inspirée. Au début presque timide (« Notte amica, oblio de'mali »), il prend vite de l'élan, de l'aisance, de la véhémence dans un style toujours respectueux des codes belcantistes. Ses vocalises bondissent, les graves se veloutent, la ligne est belle et vivante, conversant avec un orchestre volubile mené par un chef virtuose en rhétorique baroque (très gracieux concerto pour mandoline op3 N°11 au milieu du disque). Habilement, la prise de son utilise les réverbérations pour étoffer les harmoniques et enrichir le son, sans jamais faiblir dans la ligne dynamique. Si bien que – de ce point de vue- le disque est très satisfaisant, peut-être même plus qu'un récital où de telles voix, par nature de projection limitée, souffrent de l'éloignement spatial. On aurait aimé en savoir plus dans le livret sur ces œuvres inconnues -dont 7 airs enregistrés pour la première. Il n'aurait pas été inutile de remémorer également quelques codes de l'opera seria, de ce « bel canto » qui va bientôt s'éteindre avec les débuts de Rossini (cf Rodolfo Celletti). Précisément, le territoire qu'explore depuis plusieurs années Max Emmanuel Cencic avec autant d'intelligence que de sensibilité. Magistrale redécouverte !
Bénédicte Palaux Simonnet

 

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