Sudden fruit, le vis-à-vis bienfaisant de Strange fruit
Sudden fruit. Midori Hirano (1979-). Midori Hirano & CoH. 40’38". 2025. Livret: anglais. Ici, d’ailleurs – Mind Travels Series. MT021.
Elle vient de Kyoto, au Japon, (où elle se met tôt devant le piano, avant d’en approfondir l’étude à l’université) mais s’installe à Berlin fin 2008 : Midori Hirano complète son approche, classique, de l’instrument acoustique par de – sensibles mais affirmés – traitements électroniques, parfois mâtinés d'enregistrements de terrain – à d’autres occasions, elle s’aventure aussi vers l’expérimentation – même si, dans Sudden fruit, sa musique reste toujours simplement agréable à l’oreille.
Cet album est celui de la rencontre avec le russe Ivan Pavlov (après la Suède dès 1995, il vit maintenant en France), ingénieur et artiste sonore qui œuvre sous le pseudonyme de CoH (un mot de trois lettres aussi lisible en alphabet latin que cyrillique, qui signifie « sommeil » ou « rêve » en russe) et dont l’ambition, ancrée dans la pratique, enfant, du piano classique et, adolescent, de la guitare électrique – qu’il mêle, jeune adulte, à la physique théorique –, est de jeter un pont entre science acoustique et art musical.
De cette confrontation tranquille (Midori Hirano se révèle elle-même plus exploratrice du versant électronique sous son nom de scène MimiCof) résultent une petite dizaine de pièces, souvent paisibles (l’entame Wave to wave, aimablement martiale, fait figure d’exception), gaies (Shedding Shadows) ou du moins souriantes (Sudden fruit), d’une écriture délicate et sans accroc (Mirage, memories), aux harmonies travaillées (Ahead of the dawn), aux sons élaborés avec minutie, maniant le contraste entre piano et synthèse sonore, légèreté et pesanteur (les basses fréquences, comme dans Play echoes).
Hirano y tient le piano, bien sûr, mais manie également les synthétiseurs et enrichit son jeu de l’expérience acquise sur le synthétiseur modulaire analogique Buchla lors de sa résidence à l'EMS Elektronmusikstudion de Stockholm en 2015 ; Pavlov, lui, comme sur chacune de ses réalisations, peaufine les qualités sonores du matériau qu’on lui met sous la main (une voix, une onde générée par ordinateur ou, comme ici le piano, un instrument classique).
Le duo signe un disque au croisement de la tradition et de la modernité, mêlant acoustique et électronique, de l’ordre de la sculpture sonore, harmonieux et bienveillant.
Son : 8 – Livret : 5 – Répertoire : 6 – Interprétation : 8
Chronique réalisée sur base de l'édition CD
Bernard Vincken