Symphonies et Messes de Haydn par Harry Christophers à Boston : la fin ?

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Joseph Haydn (1732-1809) : Symphonie en mi bémol majeur Hob. I:103 « Roulement de timbales ». Messe en si bémol majeur « Theresienmesse » Hob. XXII:12. Harry Christophers, Handel and Haydn Society. Mary Bevan, soprano. Catherine Wyn-Rogers, mezzo-soprano. Jeremy Budd, ténor. Sumner Thompson, baryton. Janvier 2022. Livret en anglais. TT 73’52. Coro COR16192

Après divers enregistrements autour des six « parisiennes », et deux des « Londoniennes » (no 99 & 100) appariées chacune avec une messe, la fin du mandat d’Harry Christophers à la direction artistique de la Handel and Haydn Society propose ici une autre des ultimes symphonies, encore couplée avec une œuvre sacrée de la maturité. En quoi la Symphonie en mi bémol majeur reflèterait-elle le sentiment de la Theresienmesse, comme l’ambitionne la notice ? Un rapprochement non absurde, mais qui aurait mérité explicitation.

Comment interpréter cet étrange solo de timbale que le compositeur nota au tout début de sa partition ? Dans les années 1950, la pratique hésitait encore. Thomas Beecham (Columbia, 1951) s’en tenait au crescendo-decrescendo. Hermann Scherchen (Westminster, 1951), Harry Blech et ses London Mozart Players (HMV, 1955), Mogens Wöldike et l’orchestre d’Opéra d’État de Vienne (Vanguard, 1956) optaient pour un decrescendo, d’accroche et d’intensité variées. Igor Markevitch et les Concerts Lamoureux (Philips, 1959) optaient pour un crescendo. Du moins, tous ces effets linéaires ou symétriques apparaissaient cohérents pour introduire la solennité de l’introduction manifestement inspirée de l’antique Dies Irae. En juin 1987 avec le Concertgebouworkest d’Amsterdam (Teldec), Nikolaus Harnoncourt osait un dramatique martèlement, semblable aux tambours funèbres qui accompagnaient les funérailles monarchiques. Ici, carte blanche au timbalier Jonathan Hess dont l’invention jure avec la sombre ambiance qui suit –et dans la Coda (8’38), on entend une autre improvisation, encore plus désinhibée. Comment doser la licence ? Jusqu’où oserait-on aller dans l’esprit des Royal Fireworks ou des battues de Philidor ?! On laisse l’auditeur se persuader ou non.

L’interprétation se montre fine et virtuose (cordes et vents brodent un délicat tissu, sans accroc) mais pas toujours très expressive –que l’on compare par exemple à celle d’Harry Blech, pétulante en diable dans l’Exposition de l’Allegro con spirito, et tellement suggestive dans l’Andante innervé par ces emprunts au folklore croate (Na Traviknu et Jur postaje protuliće). On prête aussi au Finale un essor mélodique dérivé de Divojčica potok gazi. Harry Christophers le joue dans sa mouture conventionnelle, sans les repentirs que retrancha Haydn de sa partition autographe (une vingtaine de mesures avant la double-barre), et que peu de chefs pratiquèrent, parmi lesquels Frans Brüggen.

La couverture du LP enregistré par Leonard Bernstein (CBS) laisserait accroire que la Missa en si bémol majeur fut dédiée à Sainte-Thérèse, mais ce surnom provient plutôt de l’impératrice Marie-Thérèse ; celle-ci ne commanda pas cet ouvrage, comme on l’a souvent cru, mais une copie se retrouva certes dans sa bibliothèque. D’ailleurs, si l’on devait trouver prétexte, certes aussi incident qu’anecdotique, à justifier le programme de ce disque, on rappellerait que la messe fut offerte en 1826 à la Bibliothèque de la Cour de Vienne par Michael Bartenschlag… -un timbalier amateur.

Elle compte parmi les plus attachantes de la série des six écrites entre 1796 et 1802 pour la Princesse Marie Hermenegild. On notera que l’Agnus Dei s’apparente au profil mélodique de l’introduction de la symphonie no 25 de Mozart. La prestation que nous entendons ici affirme un orchestre dont les textures et accents relèvent d’un subtil HIP, en contraste avec un chœur ample et pulpeux, et quatre solistes aux interventions généreuses (charmant Et resurrexit). Un équilibre plaisant et agile, malgré un Gratias agimus tibi un peu inerte. Le reste de l’interprétation convainc par sa franchise et son éloquence, soutenues par des tempos animés, auxquelles l’acoustique du prestigieux Boston Symphony Hall apporte une perspective majestueuse.

Christophe Steyne

Son : 8,5 – Livret : 8,5 – Répertoire : 9,5 – Interprétation : 8 (symphonie) à 9

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