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A Genève, un Festival Chopin de qualité

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Au cours de chaque automne, la Société Frédéric Chopin de Genève organise un festival grâce à la ténacité illimitée de sa présidente et fondatrice, Aldona Budrewicz-Jacobson. Pour sa 26e édition qui comporte cinq concerts, la première soirée du 5 octobre en la Salle Franz Liszt du Conservatoire a été assurée par le pianiste véronais Alberto Nosè, l’un des invités réguliers depuis 2001, qui, en outre, dirige une masterclass durant quatre jours. 

Son programme entièrement consacré à Chopin reflète son tempérament fougueux et une endurance à toute épreuve puisque, en première partie, il propose la Fantaisie op.49 et la Troisième Sonate op.58, alors que la seconde partie comporte le 1er Concerto op.11 accompagné par le Quintette Ephémère.

La Fantaisie en fa mineur op.49 datant de 1841 est complexe par ses métamorphoses rythmiques et harmoniques. Dans le Tempo di marcia initial, Alberto Nosè cultive une nuance piano extrêmement sombre qu’éclaircit la main droite par de méditatives inflexions. Les formules en arpèges se resserrent progressivement pour parvenir à un agitato tumultueux qu’endiguera le bref choral en accords détachés, rapidement submergé par le torrentiel da capo. Accalmie bienvenue que le Lento sostenuto conçu comme une douloureuse réflexion que bousculera à nouveau la reprise du Tempo primo glissant dans la boursouflure, défaut récurrent de ce jeu qui, néanmoins peut s’alléger pour iriser l’Assai allegro conclusif. 

Par une franche attaque des accords débute la Troisième Sonate en si mineur op.58 qui sait profiter des traits ascensionnels de la main gauche pour élaborer un cantabile clair qui se gorgera de lyriques épanchements devenant pathétiques dans la stretta conclusive. Le Scherzo est aérien par la volubilité des traits qui s’imbriquent naturellement jusqu’à un moderato en accords tenus. Le Largo constitue ici le point fort de cette première partie, car il est d’une rare sobriété sans la moindre afféterie en une sonorité unie sans être monochrome. Par contre, le Finale se veut brillant par l’exhibition d’une virtuosité quelque peu tapageuse. 

Au Festival Chopin, un fougueux Alberto Nosè 

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Durant la semaine où se déroule son festival, la Société Frédéric Chopin de Genève organise ses manifestations dans des lieux très diversifiés. Ainsi pour un récital, a-t-elle la bonne fortune de bénéficier de la somptueuse Salle des Nations de l’Hôtel des Bergues au plafond cintré avec un piano trônant au centré, entouré de son public d’élection, comme dans les grands salons parisiens du XIXe.

Ce vendredi était invité le pianiste italien Alberto Nosè, diplômé du Conservatorio di Musica de Vérone à l’âge de dix-sept ans, lauréat du ‘Jugendwettbewerb’ de Salzbourg en 1991, du Concours Chopin de Varsovie en 2000, Prix Vendôme de Paris la même année, Prix du World Piano Competition de Londres en 2002. 

Aujourd’hui quadragénaire sympathique, il ouvre son programme avec la Première des Grandes Polonaises op.26 en ut dièse mineur en mettant immédiatement en valeur son sens inné des contrastes lui faisant attaquer à l’arraché les premiers accords aussitôt atténués par le lyrisme pathétique du motif ascendant qui utilise les volatine en petites notes pour aérer le discours, alors que le Meno mosso prend un caractère implorant qui émeut. La Barcarolle en fa dièse majeur op.60, abordée à tempo retenu, affiche un cantabile mélancolique que le double trille fait avancer en lui innervant une fluidité permettant la progression vers des sommets souvent anguleux. Les Trois Mazurkas trop peu connues de l’opus 56 en constituent la contre-épreuve par le legato rêveur qui imprègne le trait d’une fébrilité presque maladive, tandis que la deuxième a la véritable verve folklorique truffée d’audacieuses harmonies quand la troisième aspire avec tendresse à un monde lointain quelque peu étrange. Sous une lancinante mélancolie, la Première Ballade en sol mineur op.23 fait déferler la houle descendante sur les basses charpentées, tandis que le chant large en accords fait rapidement place à un volubile scherzando débouchant sur un Presto con fuoco effréné.