Interviews
Le pianiste Philippe Guilhon-Herbert rend hommage à Ravel à travers un album monographique (Indédens Calliope Records). C'est un parcours personnel, poétique et hautement réussi au fil de partitions du compositeur français. Philippe Guilhon-Herbert répond aux questions de Crescendo Magazine.
Votre album monographique célèbre l’anniversaire Ravel 2025. Quel est votre lien personnel avec la musique de Ravel. Comment l’avez vous découvert ?
Alors que je connaissais l'oeuvre de Debussy depuis mon plus jeune âge, j'ai découvert celle de Ravel à l'âge de 15 ans, en étudiant Une barque sur l'océan ; , je fus saisi par la fluidité et la délicatesse extrêmes de l'écriture comme de la virtuosité (Jeux d'eau, Ondine, Toccata, une Barque sur l'océan, son Trio avec piano...) Plus avant, ses pièces orchestrales également (Daphnis et Chloé notamment) ont accompagné, comme toute son œuvre, mon parcours de musicien.
Dans le livret, vous parlez du rôle joué par l’Académie Ravel de Saint-Jean-de-Luz dans votre appropriation de l’univers ravélien, pouvez-vous nous en parler ?
Ces trois participations à l'Académie Ravel de St Jean de Luz en 1997, 98 et 2000 sont de merveilleux souvenirs : le cadre, les rencontres, le partage (en musique de chambre), les découvertes (la maison natale de Ravel à Ciboure)... J'y ai travaillé Ondine et la Valse avec Jean-François Heisser, Alain Planès, et fus lauréat de l'Académie en 1997 ; précieux souvenirs en effet...
Cet album propose une sélection d'œuvres de Ravel.Comment les avez-vous choisies ?
Les pièces ont été choisies afin d'offrir un éventail complet de l'œuvre pour piano de Maurice Ravel ; le rythme et la danse, la féerie, la virtuosité, la poésie et la contemplation sont tour à tour exprimés à travers cette sélection.
Par exemple, de Gaspard de la nuit, il y a le seul "Ondine". Pourquoi ne pas avoir enregistré l’intégrale ?
Ce disque hommage offre un éventail de l'œuvre de Maurice Ravel, alternant pièces célèbres et extraits de recueils. J'ai joué Gaspard de la Nuit au Musée Debussy de Saint- Germain-en-Laye lorsque j'étais encore étudiant, puis régulièrement en Allemagne les années suivantes ; devant choisir, pour une raison de timing, une de ses trois pièces pour ce disque, j'ai finalement opté en faveur “d'Ondine” plutôt que de “Scarbo”.
C’est l’annonce de la fin de ce mois en Belgique, le chef d’orchestre Giampaolo Bisanti prolonge son aventure au pupitre de l’Opéra royal de Wallonie à Liège. Crescendo Magazine est heureux de s’entretenir avec le maestro à l’aube d’une nouvelle saison liégeoise qu’il amorce avec une production du Faust de Gounod et avec un casting de prestige.
L’annonce du renouvellement de votre contrat vient d’être communiquée. Vous serez en poste à Liège jusqu’en 2031. Qu’est-ce qui vous a motivé à poursuivre l’aventure ? Quels seront les objectifs artistiques de cette nouvelle phase de votre présence ?
Je suis très enthousiaste et honoré de pouvoir poursuivre ce magnifique voyage musical entrepris avec le directeur Stefano Pace et son extraordinaire équipe, et qui se poursuivra dans les années à venir.
La décision prise il y a quatre ans d’élargir le répertoire et l’offre culturelle à la ville de Liège et aux régions voisines est un processus de long terme, qui ne peut s’épuiser en seulement quatre ou cinq ans. Il faut du temps pour que ces choix s’enracinent et posent les bases du public de demain.
Qui dit renouvellement, dit aussi bilan. Quel bilan pouvez-vous déjà établir depuis votre arrivée à Liège tant pour l'orchestre, que les forces musicales et les équipes ?
L’Orchestre et le Chœur ont accompli un parcours remarquable ces dernières années !
Je suis heureux et fier du travail que nous avons réalisé ensemble. Leur extraordinaire souplesse dans l’approche de nouveaux répertoires, souvent très exigeants sur le plan technique autant que musical, est vraiment unique dans le paysage des théâtres d’opéra européens.
Ils sont capables de jouer et de chanter Wagner un mois, puis Rossini le mois suivant, en passant par Mozart et Janáček, sans jamais perdre leur identité sonore ni leur capacité à s’adapter au style propre à chaque œuvre.
Dans le communiqué de presse qui nous a été envoyé, vous saluez votre collaboration avec Denis Segond, chef des chœurs. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Denis Segond est un partenaire exceptionnel !
Pour lui aussi, le défi que représente l’exploration de répertoires nouveaux, complexes et exigeants, s’est révélé passionnant. Il le relève avec enthousiasme et obtient d’excellents résultats.
C’est un musicien sensible, rigoureux, qui sait créer une véritable dynamique d’équipe, de sorte que même les chefs invités se sentent toujours soutenus et pleinement intégrés dans un processus théâtral qui fonctionne à la perfection.
Vous commencez votre saison par Faust de Gounod. Pourquoi ce choix ?
Faust est un véritable grand opéra ! Il est parfait pour inaugurer une saison aussi prestigieuse et ambitieuse que celle de l’Opéra Royal de Wallonie-Liège. Il permet de mettre en valeur l’ensemble des savoir-faire techniques, artistiques et artisanaux du Théâtre.
Ce titre s’inscrit aussi dans un projet de « Trilogie des Diables », entamé l’an dernier avec La Damnation de Faust de Berlioz, et qui se poursuivra avec un troisième ouvrage que je ne peux pas encore dévoiler (même s’il est assez facile à deviner…).
Cette trilogie met en scène un artiste rare, précieux et idéal comme Erwin Schrott, entouré d’un plateau qui rassemble quelques-unes des plus grandes voix du monde lyrique actuel.