Pour ses débuts à l’Auditorium de la Fondation Louis Vuitton, Daniil Trifonov présente un programme franco-germanique fort original, allant de Rameau à Beethoven en passant par Mozart et Mendelssohn. Tout au long de la soirée, le pianiste multiplie des idées musicales surprenantes doublées de ses ressources pianistiques uniques.
Les premières notes, la Suiteen la mineur RCT 5 (du Nouvelles pièces de suite du Clavecin, 1726-1727) de Rameau est ensorcelante. Parfois à peine audible dans un double ou triple piano. Souvent lentes, la plupart des pièces ont un air de contemplation nostalgique. Les pédales transforment les notes en une sorte de halo sonore, mais elles restent distinctes. Cet effet contradictoire est fort intrigant, d’autant que le tempo qu’il choisit est également contradictoire : lents pour Allemande et Courante (qui sont habituellement d’un tempo modéré), et animé pour la Sarabande. Trifonov joue celle-ci avec une clarté majestueuse, alors qu’il semble s’amuser dans les Trois Mains et Fanfarinette avec les ornements qu’il réalise avec une exubérance raffinée. Il ne manque pas d’idée en interprétant de manière totalement différentes, voir opposées, certaines cadences de Fanfarinette dans leurs reprises. La fameuse Gavotte est une fois de plus marquée par la lenteur. Dans les deux premiers doubles, le thème de la gavotte n’est pas explicitement énoncé mais résonne dans le lointain, toujours dans ce halo. On dirait que toute la suite est un fantôme du passé. Mais le pianiste russe a le génie d’éclaircir tout à la fin, en métamorphosant le dernier double en une véritable pièce de bravoure à la manière de Liszt ! Les vagues souvenirs qui planaient dans la tête s’estompent, et l’œuvre se termine au présent, dans une vision claire, telles des images cinématographiques !
Foule des grands jours au Studio 4 du légendaire paquebot de la place Flagey pour l’ouverture de l’édition 2024 de cet événement annuel où l’instrument-roi est mis à l’honneur durant 5 jours, la présente édition faisant la part belle à Anna Vinnitskaya qui s’y produira à trois reprises.
Il peut paraître curieux d’entamer un festival placé sous le signe du piano sous toutes ses déclinaisons par un récital de musique de chambre, mais toutes les occasions sont bonnes pour entendre des musiciens de la trempe de Gautier Capuçon et de Daniil Trifonov, qui plus est dans un superbe répertoire de musique pour violoncelle de la première moitié du XXe siècle.
Par son côté imprévisible et ses humeurs sans cesse changeantes, la Sonate de Debussy est de ces musiques qui ne peuvent simplement se contenter d’une interprétation virtuose mais exigent au violoncelle comme au piano des interprètes prêts à creuser cette fantasque partition. Si le violoncelle souverain comme le geste tour à tour large et subtil de Gautier Capuçon n’ont aucune peine à conquérir, le travail tout en sobriété et en finesse du pianiste russe est admirable, le pianiste pesant chaque trait, chaque accord à la perfection.
Ce samedi 28 octobre a lieu le deuxième concert du Philhadelphia Orchestra à la Philharmonie de Luxembourg. La phalange américaine est placée sous la direction de Yannick Nézet-Séguin, directeur musical de cet orchestre depuis plus de 10 ans maintenant. En soliste, nous retrouvons un des pianistes les plus acclamés de sa génération, Daniil Trifonov. Tout comme pour le concert de la veille, cette soirée met la musique de Sergei Rachmaninov à l’honneur avec son concerto le moins connu, le Concerto pour piano et orchestre N°4 en sol mineur Op. 40, ainsi que sa célèbre Symphonie N° 2 en mi mineur Op. 27.
La soirée débute donc avec le Concerto pour piano et orchestre N°4. Ce concerto, commencé en Russie avant la révolution d’Octobre et terminé aux États-Unis en 1926 (avant d’être révisé en 1928 et 1941), est plus que probablement le moins connu de Rachmaninov. La création a eu lieu le 18 mars 1927 par le Philadelphia Orchestra sous la direction de Leopold Stokowski avec Rachmaninov en soliste. Les critiques à la première de cette œuvre étaient acerbes,et cependant, ce concerto est loin d’être inintéressant. Dès les premières mesures, nous sommes emportés par le tourbillon de l’orchestre avant de retrouver pied avec l’arrivée du piano. Cet Allegro Vivace permet de montrer la virtuosité du soliste. Il faut cependant attendre le tout premier grand tutti pour voir Daniil Trifonov se lâcher complètement. Le Largo est un moment de quiétude. Trifonov use d’un jeu délicat et musical qui a le don de capter toute l’attention de l’audience. Le troisième mouvement s’enchaine attaca au deuxième. Cette partie de l’œuvre est mouvementée, bien que d’un point de vue compositionnel, le flux de l’énergie ne soit pas totalement continu. On peut tout de même percevoir un sens du rythme et des dynamiques probablement redevables à Prokofiev. Aussi bien le pianiste que l’orchestre sont très précis dans leur jeu malgré la difficulté de la mise en place de cette œuvre. Notons tout de même un petit moment de flottement de quelques mesures au début du troisième mouvement au niveau de la percussion et des contretemps mais cela s’est vite remis en place. Trifonov termine de nous séduire avec l’interprétation inspirée de ce dernier mouvement. Yannick Nézet-Séguin prête une attention particulière au soliste. L’orchestre est donc très précis dans toutes ses interventions et est parfaitement en place avec le pianiste. Ils accompagnent merveilleusement le soliste sans prendre trop de place, ce qui lui laisse la possibilité de faire montre de ses idées musicales et de sa maîtrise de l’œuvre. Dès la fin du concerto, le public acclame longuement cette prestation. En bis, Daniil Trifonov interprète sous l’œil bienveillant de Yannick Nézet-Séguin, assis sur son podium à côté du pianiste, une transcription de la Vocalise Op. 34 N°14 de Rachmaninov. Ce moment musical suspendu clôture de la plus belle des manières cette première partie.
Les Concerts d’été au Palais princier de Monte-Carlo sont une initiative de feu le Prince Rainier III. En 1959, le Souverain monégasque a pris l'initiative d'ouvrir chaque été les portes de son Palais pour y accueillir l'Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo (anciennement appelé Orchestre National de l'Opéra de Monte-Carlo) accompagnant les chefs et les concertistes les plus réputés.
Le cadre prestigieux de la Cour d'Honneur du Palais avec ses superbes fresques du XVIe siècle font de cet écrin un lieu magique. Le public est en tenue de soirée, veste et cravate exigée pour les messieurs, les dames portent des robes du soir, certaines même longues. C’est la même ambiance qu'au Festival de Salzbourg : mondain, chic, cher et couru.
Le concert d’ouverture de l’édition 2023 se déroule en présence du Prince Albert pour un concert en hommage à Serge Rachmaninov à l’occasion du 150e anniversaire de sa naissance. Les 900 places de la jauge se sont rapidement vendues, le public était attiré par la présence de la star du clavier Daniil Trifonov
Il se lance à l’assaut du Concerto n°4 du compositeur russe. Les concertos de Rachmaninov sont les baromètres parfaits de l'évolution des goûts musicaux. On commence généralement par aimer le Deuxième Concerto, on grandit vers le 3e, on découvre ensuite la version révisée du 1er Concerto et on est surpris par le 4e, le moins joué de tous. C'est une combinaison d'expressionnisme romantique tardif et d'impressionnisme presque dans le style de Debussy. S’il ne comporte pas de thèmes mémorables, il dégage une émotion sincère.
Richard Strauss (1864-1949) : Also sprach Zarathustra, Op.30 ; Burlesque, WoO, AV 85. Daniil Trifonov, piano ; Symphonieorchester des Bayersischen Rundfunks, Mariss Jansons. 2017 - Livret en anglais et allemand - 60:51. BR 900182
Sergei Rachmaninov (1873-1943) : The Silver sleigh belles, Op. 35, 1er mouvement – Concerto pour piano et orchestre n°1 en fa# mineur Op. 1 – Vocalise Op. 34 n°14 – Concerto pour piano et orchestre n°3 en ré mineur Op. 30. 2019-DDD-Textes de présentation en anglais et allemand-Deutsche Grammophon-4836617