Dans le contexte éditorial actuel, certains enregistrements nous séduisent d’emblée par la pertinence de leur proposition. Dès lors, comment ne pas être attiré par cette intégrale pour Bis de l’oeuvre pour piano de Bernd Alois Zimmermann que propose le pianiste. Devant l’immense qualité musicale de cette parution qui fera date, Crescendo Magazine a eu envie de l’interviewer.
Vous avez enregistré l'intégrale des œuvres pour piano de B.A. Zimmermann. C'est un choix inhabituel. Qu'est-ce qui vous a attiré vers l'œuvre de ce compositeur ?
À l'occasion de la première de son opéra Die Soldaten en Espagne, le Teatro Real de Madrid m'a demandé de jouer de la musique liée à Die Soldaten. J'ai commencé à chercher dans ses pièces pour piano et j’ai été absolument fasciné par la découverte de ces joyaux. La question était : "Pourquoi ces merveilles sont-elles inhabituelles dans le répertoire des pianistes ?" Zimmermann est l'un des plus grands compositeurs du milieu du XXe siècle, mais il est aussi quelque peu négligé. J'ai joué certaines de ces pièces pour piano, puis j'ai assisté à la première de Die Soldaten. J'ai été impressionné par la figure de Zimmermann, sa qualité, son énergie, son message, son évolution brutale. Une progression stylistique qui nous mène du style néoclassique vers l'avant-garde darmstadtienne, jusqu'à ce qu'il mette en scène son pluralisme musical et le Kugelgestalt der Zeit (forme sphérique du temps). Il y a quelques recoupements entre ces concepts et les théories scriabiniennes. Je jouais -et joue encore- l'œuvre complète de Scriabine, et ces coïncidences m'ont sans doute incité aussi à travailler sur cette réflexion particulière.