Mots-clé : Gordon Bintner

Pelléas et Mélisande à l’Opéra de Paris

par

Scandale à sa création en 1902 sur la scène de l’Opéra comique, Pelléas et Mélisande, drame lyrique de Claude Debussy n’a rien perdu de sa provocante séduction. Comme la lampe d’Aladin, ce chef-d’œuvre d’art français peut facilement se briser laissant son génie s’évaporer puisque sa beauté réside dans sa fragilité. C’est ce que Wajdi Mouawad directeur du théâtre de la Colline exprime dans sa note d’intention : la musique et les voix ont toute leur place et « le reste doit rester indicible, imperceptible, à peine montré ». Grâce à cette compréhension profonde, la splendeur vénéneuse de l’opéra peut se libérer.   

Basée sur un argument très simple : le prince Golaud revient au château d’Allemonde avec Mélisande sa jeune épouse qui tombe amoureuse de son frère Pelléas, la partition mélange onirisme et prosaïsme – par exemple Golaud jaloux frappe et traîne Mélisande par les cheveux ou manipule le petit Yniold pour espionner les amants –. 

Ici, le compromis entre une approche cérébrale, désincarnée et une autre plus luxuriante penche en faveur de la profusion. Si le goût des décors et des costumes laisse à désirer : tunique rosâtre de Mélisande, sinistre robe de Geneviève, tripes violacées, homme-sanglier poilu, masques hideux, photos lugubres de fleurs séchées…  l’efficacité prime. 

La scène se divise ainsi en trois zones horizontales superposées. En bas un charnier, au milieu les humains apparaissant et disparaissant à travers des panneaux mobiles et, au sommet, les ancêtres puis le ciel où les amants s’uniront - dénouement rajouté au livret du poète belge Maurice Maeterlinck et qui fait peut-être allusion au panthéisme du compositeur. 

L’Italiana in Londra de Cimarosa : une divertissante première sur DVD

par

Domenico Cimarosa (1749-1801) : L’Italiana in Londra, intermède musical en deux parties. Angela Vallone (Livia), Bianca Tognocchi (Madame Brillante), Theo Lebow (Sumers), Iurii Samoilov (Milord Arespingh), Gordon Bintner (Don Polidoro) ; Frankfurter Opern-und Museumsorchester, direction Leo Hussain. 2021. Notice et synopsis en anglais et en allemand. Sous-titres en italien, en anglais, en allemand, en japonais et en coréen. 157 minutes. Un DVD Naxos 2.110739. Aussi disponible en Blu Ray.

On est seulement ce qu’on est « A Quiet Place » de Leonard Bernstein 

par

Au Palais Garnier, A Quiet Place de Leonard Bernstein suscite l’adhésion de ses spectateurs, conquis à la fois par une musique multiple dans ses moyens et ses effets, une interprétation orchestrale et vocale à sa mesure, et une mise en scène qui donne autant à voir qu’à imaginer et à comprendre.

Il vaut la peine, me semble-t-il, de retracer les péripéties de l’accomplissement de cette œuvre peu représentée. C’est en juin 1983 que A Quiet Place est créé au Huston Grand Opéra. La soirée inclut, en première partie, un autre opéra, en un acte, de Bernstein : Trouble in Tahiti, créé lui en 1952. Ce n’est pas une réussite. Bernstein décide alors de retravailler sa partition et notamment d’incorporer des séquences de Trouble in Tahiti sous forme de deux flashbacks dans l’acte deux de A Quiet Place. Représentée sous cette forme à la Scala de Milan et à l’Opéra de Washington en 1984, l’oeuvre est encore révisée pour être finalement présentée au Wiener Staatsoper en avril 1986 sous la direction du compositeur lui-même. Bernstein meurt en 1990. Ce n’est qu’en 2010 que l’œuvre est créée au New York City Opera, avec succès cette fois. Mais ce n’est pas la fin de l’histoire : en 2013, Garth Edwin Sunderland, un grand connaisseur de l’œuvre de Bernstein, en propose une nouvelle version, créée en concert sous la direction de Kent Nagano. Une version que son compositeur ne connaîtra donc jamais. Mais que Kent Nagano est venu ces jours-ci créer à l’Opéra de Paris. Quelle belle transmission : Nagano fut l’élève, l’assistant de Bernstein, pendant les six dernières années de sa vie.