Une spectaculaire "Jeanne d'Arc au bûcher"à la Philharmonie de Paris
C’est en 1934 que la danseuse, actrice et mécène russe Ida Rubinstein, qui avait déjà été commanditaire de plusieurs chefs-d’œuvre, parmi lesquels rien moins que le Bolero de Ravel, Perséphone et Le Baiser de la Fée de Stravinsky, ou Le Martyre de saint Sébastien de Debussy, eut l’idée d’un mystère médiéval sur Jeanne d'Arc. Dans ces années-là, elle venait de commander Le Festin de la sagesse (texte de Paul Claudel, musique de Darius Milhaud) et Sémiramis (texte de Paul Valéry, musique d'Arthur Honegger). Après quelques hésitations de part et d’autre, ce sont finalement Claudel et Honegger qui sont chargés du nouvel ouvrage.
Parmi ces hésitations, un refus initial du poète. Selon lui, le sujet avait déjà été abondamment, mais superficiellement traité, et, fervent catholique, il ne se voyait pas écrire une œuvre à la hauteur de l’héroïne : « On ne peut pas dorer l'or », dit-il. Mais une vision qu’il eut dans un train débloqua son embarras : deux mains enchaînées faisant le signe de la croix. Dès lors, il décida que ce serait le point de départ de son texte, avec Jeanne d’Arc déjà sur le bûcher, et que la suite raconterait sa vie en remontant le temps, pour aller de Rouen à Domrémy. Nous verrons comment Marion Cotillard se saisira de cette idée.
Jeanne d'Arc au bûcher a d'abord été créée en 1938. Elle a été jouée plusieurs fois pendant la guerre, et on imagine bien les réactions que cela a pu susciter, tant cette figure historique peut exacerber les sentiments de ceux qui étaient du côté de la Résistance comme de ceux qui étaient du côté de la Collaboration. En 1944, le poète demande au musicien d’ajouter un Prologue, dans lequel les allusions à l’Occupation sont explicites (« Est-ce que la France va être déchirée en deux pour toujours ? » [...] « Ce que Dieu a uni, que l'homme ne le sépare pas ! ».