A Lausanne, une magnifique ouverture de saison avec Guillaume Tell
Pour la première fois dans son histoire, l’Opéra de Lausanne présente Guillaume Tell, le dernier chef-d’œuvre parisien de Rossini créé Salle Le Peletier le 3 août 1829. Au vu de l’exiguïté du plateau, l’on pouvait se demander comment cela serait possible. Mais Claude Cortese qui succède à Eric Vigié en reprenant les rênes de l’Opéra de Lausanne a misé gros en relevant le défi. Et bien lui en a pris car le résultat est parfaitement convaincant.
Basé sur le drame écrit en allemand par Friedrich von Schiller en 1804, le livret français de Victor-Joseph Etienne de Jouy et Hippolyte-Louis-Florent Bis narre la lutte pour l’indépendance que concrétise la figure de Guillaume Tell, comme s’il était le père de la Confédération helvétique, ce qui l’amène à participer au Serment du Grütli, fait historiquement inexact. En collaboration avec Alex Eales pour les décors et Christopher Ash pour les lumières, le metteur en scène Bruno Ravella propose une Suisse idéalisée ayant pour toile de fond les peintures de Ferdinand Hodler que le sang lacérera au dernier acte. S’en détachent les éléments ‘en dur’ que transportent les gens du peuple vêtus par Sussie Juhlin-Wallén comme le tout un chacun d’aujourd’hui. Seule la soldatesque de l’oppression endosse des uniformes rouges face à un Gessler arborant le vert sombre des officiers. En accord avec le chef d’orchestre, deux personnages d’habitude sacrifiés comme le fils et la femme de Tell ‘existent’ véritablement car Jemmy bénéficie d’un air au troisième acte, alors que Mathilde, sa mère, voit son rôle étoffé par une prière et plusieurs séquences de declamato. Et toutes deux se joignent à la princesse Mathilde dans un trio pour voix de femmes généralement expurgé de la partition.
Et c’est surtout par la qualité de l’exécution musicale que ce spectacle prend sa véritable dimension. Car le maestro romain Francesco Lanzillotta empoigne à bout de bras ce gigantesque ouvrage en parvenant, dès la célèbre Ouverture, à contraster les diverses sections par l’intensité de l’expression et la précision du trait qui ne faiblissent jamais jusqu’à l’apothéose finale. Et l’Orchestre de Chambre de Lausanne acquiert la ductilité d’une formation de théâtre, ce qui n’est pas monnaie courante sous nos latitudes. En bénéficie en premier lieu le Chœur de l’Opéra de Lausanne à l’effectif renforcé qu’a magistralement préparé le chef invité Alessandro Zuppardo. Car ses innombrables interventions, notamment au premier acte, sont toutes d’une remarquable efficacité.