Mots-clé : Jeanne Desoubeaux

Aller au musée pour sortir du musée

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« Orlando » de Haendel, créé à Londres en 1733, est une œuvre magnifique… dans sa partition et ses airs. Son livret, lui, nous confronte aux états d’âme de différents personnages qui aiment et ne sont pas aimés, ont aimé et n’aiment plus, ont cru aimer ou être aimés. Des sentiments exacerbés qui sont justement le meilleur des tremplins pour de grands épanchements vocaux de tendresse, de désillusion, d’amertume, de colère, de folie. Mais, le genre oblige, des airs qu’on ne peut pas rater dans la mesure où ils sont « da capo », ce qui, pour faire bref, signifie qu’on les entend, certes autrement ornementés, trois fois. De plus, il ne se passe pas vraiment grand-chose sur le plateau.

C’est donc musicalement et vocalement très beau, magnifique, sublime, envoûtant.

Au Grand Théâtre de Luxembourg, les spectateurs n’ont pu que se réjouir de l’accomplissement et de l’exaltation de cette splendeur musicale et vocale grâce à la prestation de Christophe Rousset et de ses Talens Lyriques. Bonheur d’écoute. Grâce aussi à la belle distribution réunie, si convaincante déjà alors que nous l’avons découverte lors d’une générale programmée la veille de la première : Katarina Bradic-Orlando, Mélissa Petit-Angelica, Rose Naggar-Tremblay-Medoro, Michèle Bréant-Dorinda et Olivier Gourdy-Zoroastro.

Mais...

La Esmeralda… de Louise Bertin, vraiment ?

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De ce spectacle prétendument présenté comme étant « opéra de Louise Bertin », on sort déboussolé.

L’œuvre est devenue un spectacle pêle-mêle dans lequel tout se mélange sans que l’on comprenne pourquoi ni comment.

L’œuvre est composée en 1836 sur un livret de Victor Hugo, par la fille du directeur du puissant Journal des débats, Louis-François Bertin dit Bertin aîné (dont Ingres a fait un magistral portrait en 1832 qui se trouve aujourd’hui au Louvre). Dans sa demeure à Bièvres, à proximité de Paris, il tenait un salon littéraire qui réunissait de nombreux jeunes artistes prometteurs, parmi lesquels Gounod, Liszt, Berlioz (qui écrivait pour ce journal d’importantes critiques musicales), Chateaubriand, et bien sûr, Hugo. L’enregistrement réalisé à l’occasion de la représentation en version de concert donnée sous la direction de Lawrence Foster, au Festival de Montpellier en 2008, montre son écriture originale qui tmoigne avec éloquence de son talent particulièrement florissant.

Mais hélas ! La metteuse en scène Jeanne Desoubeaux a tellement transformé l’œuvre qu’on la reconnaît à peine. Déjà, à l’ouverture, avec une interminable « fête infâme » en rave party avec un défilé grimaçant (imitation de gargouilles ?) sur une musique électronique enregistrée (Gabriel Legeleux) dans une sonorisation à casser l’oreille (François Lanièce) et sous des lumières agressives (Thomas Coux), on se demande à quel spectacle on va assister. Et on vérifie si on a bien lu sur le programme « opéra de Louise Bertin »… Le mélange d’époques dans les costumes (Alex Costantino) et dans la scénographie (Cécile Trémolières) aurait pu refléter une lecture transversale intéressante, mais l’absence de cohérence et la vulgarité de certaines scènes ne font qu’accentuer le sentiment de confusion totale. Si la rosace et une colonne avec chapiteau (qui sont beaux en soi) et l’échafaudage des chantiers qui symbolisent la Cathédrale d’hier et d’aujourd’hui, la généralisation de la lecture est telle qu’on peut à la limite se passer de Notre-Dame, ce qui est fort dommage.