On le sait depuis leur projet « Beethoven around the world » (Beethoven autour du monde, qui a fait l’objet de mémorables concerts, d’un enregistrement et d’une captation vidéo), le Quatuor Ébène entretient avec ce compositeur une relation exceptionnelle. Avec le corpus magistral de ses Dix-Sept Quatuor à cordes, Beethoven a offert à l’Humanité l’un des plus beaux cadeaux qui soient. Le Quatuor Ébène en a été le digne ambassadeur.
Pour commencer ce concert, à l’occasion de leur troisième saison consécutive de résidence à Radio France, ils avaient choisi le premier édité (mais le deuxième composé) : le Quatuor en fa majeur, op. 18 n°1. Dans l’Allegro con brio, ils font sonner leur chefs-d’œuvre de lutherie (respectivement un Stradivarius de 1717, un Guarneri del Gesù de 1745, un Stradivarius de 1734 et un Grancino de 1682 !), avec une telle aisance, et une telle science de la résonance qu’ils parviennent à obtenir une étonnante palette de textures et de sonorités (nous avons par moments l’impression d’entendre un orgue, par exemple). L’équilibre entre énergie et lisibilité y est optimal. Pour le sublime Adagio affettuoso ed appassionato, Beethoven aurait dit s’être inspiré de la scène au tombeau du Roméo et Juliette de Shakespeare. Les Ébène y trouvent des nuances ineffables, jouant d’un souffle commun comme si leur vie en dépendait. Le Scherzo est pétillant à souhait, et débordant de vie intérieure. La réalisation technique, malgré la difficulté, y est stupéfiante. Dans le finale, les thèmes et motifs fusent, passant d’un instrument à l’autre tel un festival d’étoiles filantes.
Suivait, en création mondiale, une pièce de Raphaël Merlin, qui a été leur violoncelliste de 2002 (trois ans après la création de cette formation par quatre étudiants du conservatoire de Boulogne-Billancourt) à 2024. Si, jusqu'à tout récemment, le nom de Raphaël Merlin était indissociable du Quatuor Ébène, réjouissons-nous de ce que, même si désormais il a l’occasion de mettre ses immenses qualités de musicien au service de la direction d’orchestre et de la composition, leurs noms continuent de résonner ensemble.