Tyrol vers l’an 1600 : chanson et divertissements instrumentaux à la cour de Maximilian III
Frisch frölich wölln wir singen. « Divertissement de cour au Tyrol vers 1600 ». Christian Erbach (c1570-1635) : Ricercar secundi toni ; Canzona quarti toni. Christian Hollander (c1512-1569) : Jagen, Hetzen, Federspiel ; Ist keiner hier, der spricht zu mir ; Trink Wein ; Innsbruck, ich muss dich lassen. Paul Sartorius (c1569-1609) : Ich hab mir ausgekoren ; Was sol lich doch nur heben an ; Mein Herz das brinnt ; Dass ich durch Liebes falsche Tück. Jacob Regnart (c1545-1599) : Mein Herz und Gmüt ; Amor lascia mi stare ; Non è dolor ; Fiamme catene ; Wann ich gedenk der Stund ; Der süsse Schlaf. Melchior Neusidler (c1531-c1591) : Pass’e mezzo antico. Ensemble Polyharmonique. Magdalene Harer, Joowon Chun, soprano. Alexander Schneider, altus. Sören Richter, Johannes Gaubitz, ténor. Matthias Lutze, basse. L’Arte Violistica. Arno Jochem de la Rosée, Irene Klein, Heidi Gröger, Heike Hümmer, viole de gambe. Johannes Ötzbrugger, luth. Peter Waldner, clavecin, orgue. 2024. Livret en allemand, anglais ; paroles en langue originale et traduction bilingue. TT 58’56’’. Musikmuseum 71 CD 13070
Ce disque aborde un pan peu fréquenté par la discographie et plante son décor, au tournant des XVIe et XVIIe siècles, entre Alpes autrichiennes et château de Mariendal, dans l’actuelle station thermale du Bade-Wurtemberg. Nous voici à la cour de Ferdinand II (1578-1637), archiduc d’Autriche, et du régent Maximilian III (1558-1618), petit-fils de Charles Quint, « Deutschmeister » gouverneur du Tyrol, Grand Maître de l’Ordre teutonique dont Georg Fiori (c1555-c1599) et Alard du Gaucquier (c1534-c1582) furent les maîtres de musique. Le Gesellschaftslied, le madrigal italien, la chanson française s’entendaient dans les multiples distractions impériales, qui gravitaient autour de plusieurs centres, notamment Innsbruck et Mergentheim, –siège de la chambre des comptes de l’Ordre.
Dans ces sessions de juin 2021, les interprètes ont choisi de scénariser le programme autour du destin d’un chanteur fictif, en structurant un parcours thématique autour de ses déboires, de son penchant pour la boisson, son amour contrarié pour une dame de la noblesse, sa disgrâce et l’éloignement de la cour. Toutes les œuvres appartiennent au répertoire de la Hofkapelle. On retrouve des chansons polyphoniques de Christian Hollander, des pages de Jacob Regnart, –Kapellmeister qui s’illustra dans divers genres, dont des Lieder à la manière de la villanelle, des canzonettas inspirés du madrigal italien : une forme que cultiva aussi l’organiste Paul Sartorius de Nuremberg, élève de Leonhard Lechner (1553-1606) et peut-être à Rome de Ruggiero Giovanelli (c1560-1625), disciple de l’école palestrinienne.
Dans l’acoustique mate et précise du Veranstaltungszentrum de Zirl, quatre violes constituent l’écrin instrumental, renforcé par le clavecin et l’orgue de Peter Waldner, que l’on entend en prélude et intermède dans deux pièces de Christian Erbach. Le luth de Johannes Ötzbrugger nous gratifie en solo d’un Pass’e mezzo antico. Remarqué dans un récital dédié à Heinrich Schütz en 2021, l’Ensemble Polyharmonique vient de fêter son dixième anniversaire, et s’honore ici d’une admirable réalisation, qui permet de mieux cerner la culture vocale dans l’empire habsbourgeois au crépuscule de la Renaissance.
Son : 8,5 – Livret : 8,5 – Répertoire : 8-9 – Interprétation : 10
Christophe Steyne