Un Eugène Onéguine simple et beau à Nancy

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L’opéra national de Lorraine propose, sous la direction avisée de Matthieu Dussouillez, des productions de qualité. Eugène Onéguine de Tchaïkovski, qui s’y donne en ce moment, le démontre encore une fois. Mis en scène avec subtilité par Julien Chavaz et porté par un casting solide, un orchestre convaincant et un chœur affûté, il forme un tout harmonieux.

L’histoire d’Eugène Onéguine est simple : les sœurs Larina, Olga et Tatiana, grandissent dans la propriété familiale à la campagne. Si Olga, enjouée et rieuse, ne songe qu’à danser et s’amuser, Tatiana, plus réservée, rêve de l’homme idéal en lisant des romans d’amour. Lenski, du château voisin, est poète, idéaliste et fiancé à Olga. En visite chez les Larina, il est accompagné de son ami le dandy Eugène Onéguine, dont Tatiana tombe immédiatement amoureuse. Mais Onéguine la délaisse, lui disant ne pas croire à l’amour durable et préférant, par provocation, courtiser Olga. Jaloux, Lenski le provoque en duel et meurt. Plusieurs années plus tard, lors d’un bal à Saint-Pétersbourg, Onéguine et Tatiana se croisent à nouveau. Mariée au Prince Gremine, Tatiana voit Onéguine lui déclarer sa flamme. Malgré l’amour intact qu’elle a conservé pour lui, elle lui répond qu’elle ne rompra pas son engagement marital. Elle s’éloigne, le laissant seul, désespéré et hagard.

Voilà un propos a priori assez peu élaboré. Mais c’est sans compter sur le charme du roman en vers de Pouchkine, dont le livret est tiré, et sur la beauté de la musique de Tchaïkovski. Grâce à la rencontre de ces deux génies artistiques, une immense poésie s’en dégage, faite de pittoresque, d’ambiance champêtre mais aussi d’expression sincère des sentiments, dans un grand déploiement du potentiel émotionnel. 

Le metteur en scène Julien Chavaz s’est inscrit, avec élégance et discrétion, dans leur sillage. Il n’a pas cherché, à la différence de la plupart des mises en scènes actuelles, à ajouter un propos supplémentaire. Sa seule audace est la présence, muette et doucement décalée, du comédien Steven Beard. Jardinier armé de son bonnet et de sa brouette, il figure le malaise des sentiments discordants et la triste fatalité qui en découle. 

Quant à l’exécution musicale, elle est de qualité : si la synchronisation entre le plateau et la fosse laisse parfois à désirer, l’élan musical est bien là et on se laisse emporter avec bonheur par les danses villageoises, les ensembles vocaux, les tourbillons du bal ou encore les élans d’amour sans écho de Tatiana ou Onéguine. L’équipe soliste est solide et assume bravement l’usage de la langue russe. Le chœur enfin, très présent dans cet opéra, se taille la part du lion. Avec sa belle unité, ses timbres clairs et bien envoyés, ses déplacements fluides et l’implication de chacun de ses membres, le Chœur de l’Opéra national de Lorraine fait plusieurs fois frissonner la salle.

On ne peut que regretter que cet opéra ne se donne que quatre fois. Si l’État et les collectivités locales doivent se serrer la ceinture, il devient impérieux d’aller voir du côté des mécènes privés pour permettre un surcroît de longévité à ce type de production.

Nancy, Opéra, 28 février 2025

Claire de Castellane

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