Un programme sans programme et les « bijoux » du répertoire pour violoncelle et piano à La Fab

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Quelque chose d’original peut effectivement résulter d’une réunion entre les œuvres du répertoire classique et celles de la peinture moderne. C’est en tout cas ce qui se produit régulièrement à La Fab. d’Agnés b. qui accueille, depuis 2024, sa première saison musicale

L’espace d’une galerie d’art munie d’un piano suggère ainsi à réinventer la forme du concert et, vous vous en doutez peut-être, ça marche ! Ni un récital pour violoncelle et piano, ni une performance interactive, mais plutôt une véritable tentative de déjouer les codes du concert. 

En effet, mis à part la première et la dernière pièce (Bifu de Somei Satoh et la Sonate en ré mineur de Claude Debussy), l’ordre du programme du duo Pierre Fontenelle/ Ninon Hannecart-Ségal est aléatoire. Telle une partition de John Cage dans laquelle l’interprète décide de l’ordre d’arrivée de chaque motif, c’est le public qui choisit au hasard la prochaine pièce.

Chaque morceau est alors associé à une pierre précieuse (rubis, diamant, améthyste, saphir…), tirée d’une boîte à bijoux par les membres de l’assemblée. Seule une citation, associée à une pierre (« L’enfer, c’est les autres » Sartre, « Les grands artistes copient, les grands artistes volent » Picasso) guide alors l’écoute et la réflexion du public car, bien évidemment, on veut tous savoir de quel compositeur s’agit-il. Mais le titre est-il si important pour apprécier la pièce ? Oui, si on se borne à l’association d’une œuvre plaisante à son « génie » créateur. Non, si l’analyse laisse place à un lâcher-prise auditif. 

Après avoir égaré la liste des œuvres, il ne restait plus qu’à se laisser guider par la musique. Que de bonheur alors de découvrir Seven d’Andrea Casarrubios sans préconçus liés à sa création (l’œuvre est écrite pendant la pandémie) ou de perdre ses repères dans la très impressionniste Danse lente, sans lenteur du compositeur belge (et non français !) Joseph Jongen.

Le dispositif du concert permet alors aux solistes de s’approcher physiquement du public, car ils se déplacement librement dans tout l’espace, allant jusqu’à s’asseoir parmi les spectateurs pendant que l’autre interprète un morceau en solo, brouillant ainsi les frontières entre la scène et l’assemblée. Sans souligner inutilement le haut niveau technique et musical des deux jeunes interprètes, une mention toute particulière peut être attribuée à leur capacité d’obtenir la même sonorité feutrée à travers une véritable et profonde écoute et compréhension de l’autre.

Le duo Fontenelle/Hannecart-Ségal a véritablement su investir ce lieu, habité par la troisième voix, celle d’un train souterrain qui passe et dont les vibrations entrent en dialogue avec la musique.

Rendez-vous le 6 juin 2025 pour le dernier concert de la saison avec Noëmi Waysfeld dans le répertoire des chansons de Barbara ! 

Paris, La Fab,  20 mars 2025

Gabriele Slizyte

Crédits photographiques : William Massey

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