Un Rameau qui étonne et ravit
Jean-Philippe Rameau (1683-1764)
Hippolyte et Aricie
E. LYON (Hippolyte), C.KARG (Aricie), S.CONNOLLY (Phèdre), S.DEGOUT (Thésée), F.LIS (Jupiter/Pluton/Neptune), K.WATSON (Diane), E. de NEGRI (Prêtresse/Chasseresse/Rossignol), J. PASTURAUD (Oenone), A. LEFEVRE (Arcas), L. FELIX (Tisiphone), S. BODEN (Mercure), A. QUINTANS (L'Amour), Orchestra of the Age of Enlightenment, The Glyndebourne chorus, dir.: William Christie, mise en scène : Jonathan Kent et Paul Brown
2014-2 DVD-186'+15' bonus-Sous-titres en français, anglais, allemand, coréen-Texte de présentation et argument en anglais, français et allemand-Chanté en français-Opus Arte OA 1143 D
Lorsqu'en 1733 Rameau composait sa première tragédie lyrique, Hippolyte et Aricie, il avait en tête un spectacle grandiose apte à frapper les imaginations. « S'efforcer de parler à tous les sens pour étonner et ravir », résume le metteur en scène Jonathan Kent. Reprenant cette idée à son compte, ce dernier crée un univers foisonnant et décalé qui laisse la part belle à la danse et aux effets visuels en tous genres : dieux qui descendent du plafond, marins jaillissant du plancher, créatures des enfers à l'aspect jubilatoire... Cette débauche de couleurs, où l'humour délirant côtoie une ironie glaçante, réjouira certes plus les amateurs de Terry Gilliam que les partisans de la rigueur historique. Côté chant, William Christie s'était déclaré « intraitable » sur la déclamation : tous en effet -chose rare- se font comprendre sans l'aide des sous-titres (même le chœur!). Entourés d'une distribution sans faille, Ed Lyon et Christiane Karg, bien qu'un peu exaltés par moments, forment un beau couple d'innocents dont les voix claires et franches servent bien le texte. La mezzo Sarah Connolly, malgré une diction à peine moins claire, incarne une Phèdre touchante de justesse ; elle fait face à l'inflexible Thésée de Stéphane Degout qui magnétise par son charisme tant que par l'exceptionnelle profondeur de sa voix. Quant à la scène aux enfers de l'acte II, elle laisse entrevoir un Tisiphone et des Parques à faire frissonner. Tous sont portés par un orchestre limpide ; loin d'en rajouter dans l'effet descriptif, William Christie a fait le choix de l'élégance. Ainsi lignes fluides, sonorités pures, ornementation minimale laissent la musique de Rameau dévoiler naturellement ses luxuriantes harmonies. On se laisse volontiers porter par une subtilité si britannique.
Quentin Mourier
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