Un récital prometteur du pianiste Dmytro Choni

par

Claude DEBUSSY (1862-1918) : Images, Livre I. Alberto GINASTERA (1916-1983) : Sonate pour piano n° 1 op. 22. György LIGETI (1923-2006) : Etudes, Livre I n° 5 : Arc-en-ciel. Serge PROKOFIEV (1891-1953) : Sonate pour piano n° 6 op. 82. Dmytro Choni, piano. 2020. Livret en anglais. 66.23. Naxos 8.574136.

Fondé en 1972 par la pianiste Paloma O’Shea qui est aussi Présidente de la Fondation Albéniz, le Concours International de Piano de Santander, cité portuaire sur la côte cantabrique au nord de l’Espagne, est patronné par l’Infante Margarita, tante du Roi Felipe VI et par des organismes privés. Il a lieu tous les trois ans et a couronné, parmi ses lauréats Josep Colom (à deux reprises), Hüseyien Sermet ou Yung Wook Yoo. Boris Giltburg y a obtenu un second prix en 2002. La sélection finale est limitée à vingt concurrents. En 2018, on dénombrait 241 inscrits dont 116 ont été retenus en présélection, et la finale a permis à l’Ukrainien Dmytro Choni (Kiev,1993) de l’emporter. 

Dans sa série consacrée à des lauréats de concours internationaux, le label Naxos lui consacre un CD d’œuvres enregistrées en avril 2019 à l’Auditorium Sony de Madrid. Ce jeune artiste a reçu des leçons dès l’âge de quatre ans, a étudié ensuite à Kiev auprès de Nina Naiditch et Yuri Kot. Aujourd’hui, il se perfectionne à l’Université de Musique de Graz avec Milana Chernyavska. Il est lauréat d’une douzaine de concours internationaux (Suisse, Italie -le Busoni en 2017, Allemagne, Saint-Marin, Ukraine, Chine, Etats-Unis, Argentine…). Il se produit en récital et avec orchestre, et pratique aussi la musique de chambre.

Le présent CD Naxos est le premier album de Dmytro Choni, qui n’a pas choisi la facilité. Il propose un programme voué au XXe siècle. A commencer par le premier Livre des Images de Debussy dont il souligne l’univers magique avec fluidité, fine sonorité et liberté de ton. Sa musicalité apparaît dans toute sa simplicité, et il n’oublie pas d’y ajouter de la poésie que l’on souhaiterait malgré tout encore plus ciselée. La Sonate n° 1 de Ginastera (1952), œuvre brillante qui s’inspire de l’atmosphère de la pampa argentine, est parcourue de frémissements et d’harmonies colorées, de rythmes et de nervosité, qui en font une partition décapante. Choni est à l’aise dans ces pages concises, dont l’Italienne Mariangela Vacatello, lauréate non-classée du Concours Reine Elisabeth 2007, a révélé toutes les richesses dans une intégrale chez Brilliant en 2015. Comme elle, Choni rend bien les côtés picaresques du propos et injecte à la toccata finale un mouvement irrésistible. 

Juste après, en un peu plus de trois minutes, Choni cristallise l’évanescence de la pièce n° 5 du Livre I des Études de Ligeti, intitulée Arc-en-ciel (1985), qui s’achève dans l’extrême aigu. La maîtrise est au rendez-vous. Le programme s’achève par la Sonate n° 6 de Prokofiev qui ne composait plus pour cette forme depuis seize ans lorsqu’il écrivit en 1940 cette première « sonate de guerre », aux accents spectaculaires et violents. Choni convainc par son approche nerveuse et énergique, mais aussi par un souffle réel qui donne à cette âpre aventure pianistique un élan vigoureux. Face à une rude concurrence discographique, il fait entendre sa voix, claire et précise. Il manque juste un peu de sauvagerie ; elle viendra avec le temps. Avec ce premier album, Dmytro Choni confirme le talent qui lui a valu maintes récompenses dont les lauriers de Santander. Voilà un artiste dont on attendra avec plaisir d’autres témoignages discographiques.

Son : 8  Livret : 8  Répertoire : 10  Interprétation : 8

Jean Lacroix 

 

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