Un septième volume d’œuvres orchestrales inédites de Paul Wranitzky

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Paul Wranitzky (1756-1808) : Symphonie en ré majeur « Con musica turca » ; Mercure l’entremetteur, singspiel, extraits : Ouverture et Sinfonia de l’Acte I ; Symphonie en do majeur op. 35 n° 1 ; La Vengeance, tragédie en quatre actes, extraits : Introduction de l’Acte I et Sinfonia de l’Acte II. Orchestre de chambre de la Philharmonie de Pardubice, direction Marek Štilec. 2023. Notice en anglais. 67’ 15’’. Naxos 8. 574562. 

Entamée en 2021, la série initiée par Naxos pour mettre en évidence la musique orchestrale de Paul Wranitzky, déjà évoquée dans nos colonnes, en est à son septième volume. Rappelons que ce compositeur d’origine morave, formé à Jihlava et à Olomouc, arriva à Vienne en 1776 pour étudier la théologie et devint directeur musical de son séminaire. Sept ans plus tard, il était à la cour Esterhazy et rejoignit la loge maçonnique viennoise, où, remarqué par Joseph Martin Kraus (1756-1792), il reçut des leçons complémentaires de ce dernier, mais aussi de Haydn. Lorsque trois loges fusionnèrent, Wranitzky devint le frère maçonnique de Mozart, né la même année que lui, un concert commun les réunissant le 15 décembre 1785. Très apprécié à la cour de Vienne, musicien favori de l’impératrice Marie-Thérèse pour laquelle il organisait des concerts privés, il fut nommé directeur de l’orchestre du Burgtheater en 1787, fonction qu’il occupera jusqu’à son décès. Haydn et Beethoven n’hésitèrent pas à lui confier certaines de leurs œuvres. 

La production de Wranitzky, qui était un excellent violoniste, est riche d’une petite cinquantaine de symphonies, d’autant de pages de musique de chambre, et de musiques de scène. Son Obéron connut un franc succès en 1789. Le présent programme, qui ne contient, comme les précédents volumes, que de premières gravures au disque, est consacré à des compositions de la décennie 1790. Il s’ouvre par la Symphonie « Con musica turca », une commande de Ferdinand III, grand-duc de Toscane, un fils de l’empereur Léopold II, qui sera évincé en 1801 par Napoléon et trouvera refuge à Vienne, avant d’être rétabli dans ses fonctions en 1814. Enjouée, plaisante, contrastée et même jubilatoire par moments, cette symphonie en quatre mouvements, qui fait la part belle à des cordes chatoyantes ainsi qu’à la flûte, mérite son appellation « con musica turca » dans le final, où interviennent triangle, cymbales et tambour turc dans un style quasi martial, assurant à l’ensemble une brillante conclusion. Une autre symphonie, l’opus 35 n° 1, est la première d’une série de trois Symphonies à Grand Orchestre, toujours destinées aux concerts privés de Ferdinand III. L’orchestration en est plus fournie, avec augmentation des vents. On en retiendra les rythmes, l’élégance de l’Allegretto con moto, deuxième des quatre mouvements, le délicieux Menuetto-Trio et le Presto final, plein d’esprit. Wranitzky possédait un incontestable métier, hérité de Haydn auquel on pense régulièrement.

Des extraits de partitions scéniques complètent l’affiche. On appréciera l’humour des extraits de Mercure (1793), qui joue à l’entremetteur pour faciliter des amours contrariées, avec des interventions savoureuses du cor de postillon, le tout baignant dans une atmosphère énergique. Deux moments chaleureux de la tragédie en quatre actes La Vengeance (1796), celle d’un prince mauresque contre l’assassin de son père, complètent cet album, bien agréable à découvrir.

C’est toujours à la même formation de Pardubice, ville tchèque à une centaine de kilomètres de Prague, qu’est confié ce septième volume. Sous la baguette de Marek Štilek (°1985), elle s’investit ici de façon entraînante, assurant notamment aux symphonies l’intensité qu’elles méritent. Aucune concurrence ne venant contrarier le parcours de cette série, on lui fera un accueil mérité, car elle permet d’approfondir l’univers d’un compositeur qui connut de vrais moments de gloire.

Son : 9  Notice : 10  Répertoire : 9  Interprétation : 9

Jean Lacroix

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