Une approche intimiste des Tenebrae Responsories de Victoria

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Tomás Luis de Victoria (c1548-1611) : Tenebrae Responsories. I Fagiolini, direction Robert Hollingworth. Rebecca Lea, soprano. Martha McLorinan, mezzo-soprano. Matthew Long, ténor. Greg Skidmore, baryton. Frederick Long, basse. Livret en anglais ; textes en langue originale, traduction en anglais. Juillet, décembre 2023. TT 71’48 (dont 12’11 pour lecture des poèmes de Christopher Reid). Coro COR16204

L’ensemble anglais se penche sur un des chefs-d’œuvre de la polyphonie Renaissance à l’heure de la Contre-réforme, tiré de l’Officium Hebdomadæ Sanctæ (paru à Rome en 1585) de Tomás Luis de Victoria : les dix-huit répons pour la Semaine Sainte. Au sein de l’abondante discographie dédiée à cette liturgie de la Passion, I Fagiolini se distingue au moins sous deux aspects : emploi d’un diapason à la quarte inférieure (sachant que les chiavette restèrent encore longtemps en usage à la chapelle pontificale), et par des effectifs condensés à un chanteur par partie, arguant qu’un « quatuor de voix solistes permet une expression plus personnelle ».

Respect des clés transpositrices notées sur la partition, et intimisme da camera : cette option conjointe, nous dit le livret, n’aurait pas été enregistrée depuis le témoignage du Pro Cantione Antiqua de Bruno Turner, auquel ce CD est dédié. À ceci près que cette captation date de 1978 (et non 1988 comme indiqué dans la notice), et que l’équipe était entièrement masculine, là où I Fagiolini confie deux voix du cantus à une soprano et une mezzo-soprano. Cela dans une approche méticuleuse, qui privilégie l’intelligibilité poético-musicale, l’acuité du rapport au texte. Ce sobre et subtil raffinement entretient un lien profond avec l’austérité de ce cycle du Triduum pascal conçu par le prêtre compositeur espagnol pour le rituel de l’extinction des cierges.

Conformément à sa pratique performative de cross-art, I Fagiolini a choisi d’entrecroiser les Tenebrae Responsories avec des lectures de poèmes, extraits de A Scattering de Christopher Reid, dans lesquels l’écrivain britannique évoque la disparition de son épouse. L’auditeur non anglophone aurait toutefois apprécié que les textes des poèmes apparussent dans le livret. Même si ces réflexions sur l’agonie peuvent légitimement s’entendre en contrepoint du calvaire associé aux derniers jours du Christ, le contraste linguistique et acoustique prive de cohérence une écoute continue de cet album. La délicate réverbération de la Milton Abbey auréolant les chants de l’office se heurte à la sèche promiscuité de la récitation captée à York. Pour qui souhaite zapper ces neuf plages et s’en tenir à Victoria, le programme nous laisse une heure de contemplation, interprétée avec une ferveur des plus minutieuses.

Son : 8,5 – Livret : 8,5 – Répertoire : 9,5 – Interprétation : 9

Christophe Steyne

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