Une Frau Fluth d’exception à la rescousse des  ‘Joyeuses Commères de Windsor’

par

© M. Vanappelghem

L’Opéra de Lausanne achève sa saison avec ‘Die lustigen Weiber von Windsor’, l’ultime ouvrage d’Otto Nicolai. Adorable musique que celle-là, alliant la finesse d’écriture d’un Mendelssohn à la brillance du ‘melodramma giocoso’ à la Donizetti !  A la tête des Chœurs de l’Opéra de Lausanne et de l’Orchestre de Chambre de Lausanne, le chef d’orchestre Frank Beermann, actuel directeur musical de l’Opéra de Chemnitz, en restitue toute la saveur avec une louable précision et une énergie qui tiennent le spectateur en haleine jusqu’au dénouement. Il faut dire qu’il a sur scène une Frau Fluth d’exception, la Roumaine Valentina Farcas qui se joue d’un rôle de soprano léger, usant de toutes les facettes de la coloratura virtuose pour dessiner une pimpante maîtresse femme. Face à elle, Eve-Maud Hubeaux possède le mezzo grasseyant d’une Frau Reich qui, elle non plus, ne veut pas s’en laisser conter. Quant aux maris, Oliver Zwarg campe un Fluth peinant à contenir sa rage vindicative, alors que Benoît Capt, sous les traits de Herr Reich, tente de calmer le jeu ; mais pourquoi s’en prend-il au malheureux Fenton d’Attilio Glaser, alors qu’il chante si bien en comparaison de l’Anna Reich bien acide de Céline Mellon ? Le Junker Spärlich de Stuart Patterson rivalise de drôlerie avec le Dr Cajus de Sacha Michon. Reste le problème de la distribution, le Falstaff sans expression de Michael Tews qui est condamné à attendre le dernier tableau pour pouvoir véritablement ‘exister’. Le coupable ? Ce n’est certes pas lui, mais le metteur en scène David Hermann qui, pendant deux actes, ne le laisse apparaître que comme une mauvaise Lucia empêtrée dans les voiles, faisant tomber à plat tant la scène de beuverie (« Als Büblein klein an der Mutter Brust ») que le duo avec Fluth (« In einem Waschkorb ! ») ; et ce n’est qu’en bouc lascif qu’il aura droit au-devant de la scène, au moment où minuit sonnera près du Chêne de Herne. Dans un plaisant décor printanier conçu par Rafail Adjarpasic et des costumes dus à Ariane Isabell Unfried, sans le moindre rapport avec la trame, l’on opte pour la carte de la transposition à notre époque. Etait-il nécessaire d’y introduire le divan d’un ‘psy’ orchestrant maladroitement les tensions conjugales, alors qu’une lecture au premier degré aurait diverti plus d’un spectateur qui ‘découvrait’ l’œuvre !
Paul-André Demierre
Lausanne, Opéra, le 6 juin 2014
Production de l'Opéra de Lausanne en coproduction avec l'Opéra Royal de Wallonie

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