Wagner concertant à Monte Carlo

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Ce concert lyrique avec le deuxième acte de Tristan et Isolde de Wagner et l'Adagio de la Symphonie n°10 de Mahler est organisé par l’Opéra de Monte-Carlo était un évènement attendu. Il se déroule en collaboration avec l’Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo,  habitué de la fosse monégasque, et le  Festival du Printemps des Arts dont il est annoncé en prélude.  C’est un symbole de bonne collaboration entre les institutions monégasques. 

Philippe Jordan est invité à la tête de l’Orchestre philharmonique de Monte-Carlo. En première partie le chef s'attaque à l'adagio de la Symphonie n°10. La dissonance frappe vraiment. Il est difficile de ne pas l'associer à la prise de conscience de l'infidélité d'Alma et à la découverte de Mahler de sa maladie cardiaque. Philippe Jordan règle une interprétation parfaite de cette partition, avec la précision helvétique que l'on connaît. 

Le deuxième acte de Tristan et Isolde de Richard Wagner est impressionnant. L’essentiel de cet acte est constitué par le duo entre Tristan et Isolde, le plus long duo d’amour de l’histoire de la musique, qui dure près de 45 minutes.

La distribution proposée par l'Opéra de Monte-Carlo n'a rien à envier aux grandes scènes wagnériennes.  La soprano Anja Kampe est une Isolde radieuse et assurée. Sa voix puissante brille sans effort dans des moments comme " Die Leuchte, und wär’s meines Lebens Licht, -lachend sie zu löschen zag ich nicht! ",  ainsi que dans les notes aiguës envolées lors de ses retrouvailles extatiques avec Tristan.

Le ténor Andreas Schager est un Tristan fabuleux. Il a un souffle long et une puissance sidérante. Ces moyens sont d’autant plus remarquables que Schager n’est pas un Heldentenor,  mais plutôt un lyrico-dramatique survitaminé qui ne semble jamais forcer dans cette tessiture.  Le chanteur est aussi capable de nuancer, d’alléger la voix, parfois en la teintant de douceur au moyen du registre mixte.

Anja Kampe et Andreas Schager rivalisent de puissance vocale. Ils se donnent à fond dans le romantisme exacerbé d’une musique presque surhumaine. Mais ils ne restent pas tout le temps dans le registre tonitruant. Dans le superbe passage " O sink hernieder, Nacht der Liebe",  ils chantent avec une douceur comme dans celle d’un Lied de Schubert

L’espace scénique limité empêche de jouer pleinement les retrouvailles des amoureux. Kampe est placée d'un côté du podium de Jordan, Schager de l'autre côté. Cette séparation spatiale de près de trois mètres est le seul point négatif de cette version concertante.

L’interprétation de Brangäne par Ekaterina Gubanova est particulièrement convaincante, renforcée par son jeu expressif et sa présence scénique dynamique. Georg Zeppenfeld est remarquable dans le rôle de King Marke, son registre grave et riche se mélange parfaitement aux solos de la clarinette basse. Neal Cooper a livré une performance convaincante dans le rôle de Melot  tant physiquement que musicalement.

La direction d'orchestre de Philippe Jordan est pleine de risques, de passion, d'énergie et de lyrisme déchirant. Il parvient à rendre l'opéra grandiose et intime, ce qui n'est pas une tâche facile avec Wagner.

Monte-Carlo, Auditorium Rainier III, 2 mars 2025

Carlo Schreiber

Crédits photographiques : ©OMC - Marco Borrelli

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